(Le Potentiel 07/01/2009)

Les dernières rumeurs ont fait état d’un coup de force et des discordances au sein du CNDP. Rumeurs aussitôt démenties par Nkunda sur les antennes de RFI, entretenant ainsi de la confusion autour du leadership de ce mouvement rebelle qui entretient la guerre dans l’Est de la RDC. Mais pour ceux qui maîtrisent les subtilités de la « stratégie de pression » depuis l’AFDL jusqu’au CNDP, en passant par le RCD, il s’agit tout simplement d’une diversion. Mieux, d’un piège que Kinshasa doit éviter et déjouer.

Des informations concordantes ont fait état lundi soir du limogeage du président du CNDP, Laurent Nkunda. Ces informations affirmaient que désormais les rênes de ce mouvement rebelle étaient tenues par un autre seigneur de guerre, Bosco Ntangana. Elément militaire bien connu pour avoir été aux côtés de Thomas Lubanga, en Ituri, aux temps forts des milices locales responsables de plusieurs exactions et autres crimes de guerre et crime contre l’humanité. Ce qui explique le mandat d’arrêt international lancé contre lui par la Cour pénale internationale, CPI. Il reproche à Nkunda la concentration et abus du pouvoir qui se traduit par « un mauvais leadership » ; et une mauvaise gouvernance.

Il y a de cela deux ans, Bosco Ntangana avait quitté l’Ituri pour rejoindre Nkunda au Nord-Kivu. Jusqu’à preuve du contraire, c’est lui le chef d’Etat-major du CNDP. A la demande de la CPI de le mettre à la disposition de cette instance judiciaire, Nkunda a réservé une fin de non recevoir, allant jusqu’à cracher sur la CPI affirmant qu’il n’exécutera pas cet ordre.

Quelques heures, après l’annonce de son limogeage, Nkunda joint par RFI a démenti cette information Bien plus, le Lieutenant – colonel Séraphin Mirindi, l’un des bras droit de Nkunda, a confirmé la tenue d’une réunion hier mardi pour dissiper tout malentendu. La chance est donnée à Bosco, selon lui, à venir s’expliquer sur les raisons profondes des « revendications qui n’engagent que sa propre personne. Il n’y a pas de dissensions au sein du CNDP ». La discordance est donc totale, jusqu’à preuve du contraire.

Manœuvres dilatoires

Discordance ou pas, ce soit-disant remous au sein du CNDP ne surprend nullement des personnes avisées. L’on se souviendra que depuis l’annonce de la suspension des négociations de Nairobi pour qu’elles reprennent ce mercredi 7 janvier, le CNDP n’a cessé de multiplier des exigences et conditions avant de reprendre sa place autour de la table. Ce mouvement rebelle est allé jusqu’ à accuser la Monuc de partialité en menaçant de boycotter la réunion de Nairobi.

Que le limogeage, vrai ou faux de Nkunda intervienne à 72 heures du IIIème round de Nairobi, cela ne surprend personne. Ces manœuvres dilatoires ne visent rien d’autre qu’à retarder les travaux et boycotter cette démarche pour une paix durable. Et même si la délégation du CNDP se rendait à Nairobi ce mercredi, nul doute qu’elle s’y rend pour provoquer l’impasse.

Dans l’hypothèse où ce limogeage se confirmait, cela corrobore la précédente thèse du boycott de la réunion de Nairobi. Le nouveau directoire du mouvement dénoncerait tout ce qui a été décidé par le comité précédent et affirmer ne pas se sentir concerné par tous les engagements pris jusqu’ici par Nkunda. La suite est facile à deviner : la fin brutale des négociations.

Mais si par aventure politique, Bosco « se serait reconverti », Kinshasa est appelé à mieux analyser cette nouvelle situation qui serait surprenante.

De l’Afdl au CNDP

Situation surprenante tant tout ce scénario apparaît aux yeux des observateurs de la politique congolaise comme du déjà vu et du déjà-entendu. En fait, tous les mouvements qui ont vu le jour selon la volonté de Kigali et soutenus financièrement et militairement par le régime en place adoptent toujours la même tactique à l’approche de chaque étape politique. L’objectif consiste chaque fois à gagner du temps en s’appuyant sur « la stratégie de la pression » pour glaner quelques résultats.

Aux temps forts d l’AFDL, il y a eu cette série de rencontres sur Outenika dans le but d’épuiser le maréchal Mobutu. Le résultat est connu de tous.

Lorsque Feu Laurent-Désiré Kabila s’est embrouillé avec ses anciens parrains, l’on a assisté à la création du Rassemblement congolais pour la démocratie, RCD, composé en majorité d’anciens de l’AFDL avant de lui imposer une nouvelle guerre d’agression. Mais quand il a été question de dialoguer, le RCD provoquait des changements à la tête de ce mouvement, en fonction des étapes, pour exercer toujours une pression sur ses adversaires. Ainsi, ce mouvement a connu toute une meute de présidents pour des objectifs précis dictés par les parrains : Arthur Z’Ahidi Ngoma, Wamba Dia Wamba, Ilunga, Onosumba et enfin Me Azarias Ruberwa. Des présidents qu’on remplaçait à chaque étape de négociations ; de Victoria Falls, à Sun City en passant par Victoria II et III, l’Ile Maurice, Lusaka, Gaborone et Addis-Abeba.

L’on assiste ainsi à la même tactique. Cependant, la question est celle de savoir pourquoi ceux qui tirent les ficelles ont opté pour des « seigneurs de guerre » ? Il s’agit tout simplement de radicaliser la position du CNDP et de privilégier l’option militaire. Bosco Ntangana qui serait originaire de Masisi où il se serait replié, est « très proche de Kigali ». Il passe pour un seigneur de guerre impénitent, partisan de la politique de la « terre brûlée ». Il est moins politique. Mais que l’on ne doit en aucun cas perdre de vue cette déclaration du président Kagame dans l’interview accordée au journal Le Soir. « Même si Nkunda était écarté, l’on n’aura pas résolu le problème », avait-il prévenu. Serait-ce le sens profond des discordances au sein du CNDP ?

La balle dans le camp de Kinshasa

De ce qui précède, la balle se trouve dans le camp de Kinshasa. Certes, le gouvernement a l’obligation politique de suivre de près tous ce remue-ménage. Mais quelle est la stratégie a-t-il adopté pour faire accélérer le processus de Nairobi et parvenir à une paix durable ? Quelles sont les dispositions prises pour capitaliser la Résolution 1856 du Conseil de sécurité des Nations Unies pour que Nairobi III soit couronné de succès ?

Il est vrai que devant cette absence de politique de communication, il est difficile d’apprécier l’approche du gouvernement. Seul le CNDP s’efforce à attirer l’attention sur lui en monopolisant les médias, surtout étrangers pour occuper leur espace médiatique. On l’a perçu avec cette tendance à vouloir contourner Nairobi en s’imposant une tournée diplomatique pour donner une envergure politique à ce mouvement.

L’on attend par conséquent du gouvernement des signaux forts de mobilisation générale dans la mesure où le pays est réellement en danger. La guerre du Kivu, une fois de plus, a un volet extérieur important qu’elle ne peut être une affaire d’un groupe de gens. Mais que toutes les institutions nationales doivent s’en approprier pour que les actions du gouvernement soient effectivement dissuasives. Car cette guerre ne se gagnera pas au prix de « bonnes intentions ni sur base des effets d’annonce ». Mais par des actions pragmatiques tant sur le plan politique, diplomatique, militaire, efficacement coordonnées au niveau national et international.

Ceci étant, jusqu’ à preuve du contraire, les remous au sein du CNDP ne sont que des manoeuvres dilatoires, une diversion, un piège pour chercher la faille. Exactement.

Par Le Potentiel

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