Au siècle dernier, on se battait pour le pétrole. Et aussi pour le cuivre, l’uranium, le coltan, le charbon, l’or, le diamant. Demain, les nouvelles guerres auront sans doute l’eau pour objectif. Et, en même temps que l’ eau, la terre cultivable, devenue un enjeu majeur en ces temps de réchauffement climatique, d’explosion démographique et de recherche de biocarburants.
Aujourd’hui déjà, les grands de ce monde se penchent sur le sujet : lors du prochain sommet du G8, qui se tiendra en Italie en juillet prochain, il sera question de l’ «accaparement » des terres cultivables dans les pays du Sud. Que l’on se rassure : la question de la colonisation ne sera pas abordée, et nul n’aura le mauvais goût de rappeler comment, en Afrique du Sud, 13% de la population possédaient naguère 80% des terres, comment, au Zimbabwe, l’enjeu de la terre fut le moteur de la lutte pour l’indépendance, comment la « pachamama » la terre-mère des Indiens d’Amérique leur fut ravie pour permettre l’établissement des colons espagnols et la création des latifundia, qui existent toujours.
Les accaparements dont il sera question au G8 représentent un phénomène plus récent, et, à terme, tout aussi inquiétant : les experts estiment que, d’ici 2030, il faudra trouver 120 millions d’hectares de terres agricoles supplémentaires pour répondre à la demande de produits alimentaires.
Des puissances émergentes, les pays du Golfe par exemple, dont le « Qatar investment authority » se lancent dans des joint ventures avec des pays comme l’Indonésie et le Vietnam afin de développer en commun des projets agricoles, que des accords similaires sont discutés avec les Philippines, la Malaisie et le Soudan. Ce dernier pays apparaît de plus en plus courtisé : l’Organisation arabe pour le développement agricole (AOAD) basée à Khartoum a été créée en 1970 déjà pour développer les coopérations possibles entre pays arabes, dans le domaine agricole. Elle assure aujourd’hui que le seul Soudan pourrait répondre à tous les besoins du monde arabe en matière de céréales, sucre, fourrage et autres denrées de base.
Plusieurs sociétés d’Etat, comme la Zad Holding Company ainsi que le conglomérat Dubai World ont déjà été cités comme participant à des holdings opérant au Soudan, avec pour objectif d’ y produire des denrées alimentaires destinées à être exportées dans le monde arabe. Plus encore que les réserves pétrolières, c’est cet appétit pour les terres arables soudanaises, insuffisamment mises en valeur, qui pourrait expliquer la guerre du Darfour et le déguerpissement des populations autochtones, qui s’entassent dans des camps de réfugiés et vivent de l’aide internationale.
Une étude très complète, récemment publiée par la FAO, l’IFAD et le IIED (1)fait le point sur ces acquisitions de terres et souligne que l’Amérique latine, mais surtout l’Afrique sont particulièrement visées.
C’est à propos de Madagascar que le phénomène a commencé à être médiatisé, lorsque la firme sud coréenne Daewoo a conclu avec le précédent gouvernement un contrat de 99 ans, portant sur l’exploitation en leasing de 1,3 millions d’hectares. Cette aliénation de la « terre des ancêtres » censée accueillir les dépouilles des morts a provoqué de vives protestations et a contribué à la chute du président Marc Ravalomanana. L’un des premiers gestes du nouveau président Andry Rajoelina a été de dénoncer l’accord et de reprendre l’examen d’un autre achat de terres où l’on avait vu la compagnie indienne Varun International acheter en leasing 465.000 hectares de terres pour y produire du riz destiné à être exporté vers l’Asie.
Parmi les principaux pays acheteurs de terres, se retrouvent, en Asie, la Corée du Sud et la Chine, et, dans les pays du Golfe, l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis, qui disposent en abondance de « fonds souverains » découlant des revenus du pétrole et désirent garantir leur autosuffisance alimentaire. En outre alors que la production de céréales dans les pays du Golfe ne cesse de décliner, la population y passera de 30 millions d’habitants en 2000 à 60 millions en 2030.
La sécurité alimentaire des populations est dinc considérée comme un enjeu majeur.
En Afrique, les principaux pays « vendeurs » de terre sont, outre le Soudan, l’Ethiopie, le Mozambique et Madagascar, ainsi que, plus récemment la République démocratique du Congo. Outre l’Afrique des pays d’Asie du Sud est (Cambodge, Laos, Philippines, Indonésie) et des pays d’Europe de l’Est comme l’Ukraine sont également ciblés par les acheteurs de terres.
Les sociétés qui se portent acquéreuses sont souvent des compagnies spécialisées dans l’agro business ou développant les bio carburants. C’est ainsi que le conglomérat Lonhro s’est porté acquéreur de 25.000 ha de terres en Angola et négocie d’importantes cessions de terres au Mali et au Malawi tandis que la compagnie britannique CAM a acquis en Tanzanie 45000 hectares, où elle compte produire du sorgho, destiné à être transformé en bio carburant.
L’étude de la FAO met cependant en garde contre les généralisations hâtives, soulignant que ces accords se heurtent souvent à de telles oppositions qu’ils finissent par être annulés (comme ce fut le cas à Madagascar et au Mozambique et elle relève que le phénomène ne date pas d’hier : au siècle dernier déjà Lonhro produisait du riz sur de vastes territoires, Firestone accaparait des terres en Afrique de l’Ouest pour produire du caoutchouc tandis que, depuis des décennies, les fermiers blancs d’Afrique du Sud essaient d’étendre leurs propriétés vers le Nord, achetant des terres en Zambie, au Mozambique, en Tanzanie et se proposant de le faire au Katanga comme au Congo Brazzaville.
Il est communément admis que l’un des plus grand pays acquéreur de terres, surtout en Afrique, est la Chine, qui aurait acheté en République démocratique du Congo 2,8 millions hectares pour y développer la plus grande exploitation au monde d’huile de palme (dans le Bas Congo, de grandes exploitations, créées durant la période coloniale ont depuis longtemps été abandonnées et pourraient ainsi être remises en état, sans qu’il soit nécessaire de défricher de nouvelles superficies de forêt).
Les experts de la FAO tempèrent cependant l’inquiétude que suscite la prétendue « faim de terres » de la Chine. Ils expliquent que si, dans un premier temps, l’acquisition de terres à l’étranger avait pu être présentée comme une solution, en décembre 2008, la Commission nationale pour le développement et les réformes, la principale agence de planification de la sécurité alimentaire pour les 20 prochaines années, avait conclu que ces achats de terres à l’extérieur ne représentaient pas une solution viable, à une seule exception près, cultiver du soja au Brésil. Cependant, alors que la Chine, à raison de 23% de la consommation mondiale, est devenu le premier importateur de caoutchouc, devançant les Etats Unis, les entreprises chinoises se lancent dans la production de caoutchouc au Laos et en Birmanie.
Selon les imageries satellitaires disponibles, 80% des terres cultivables encore disponibles se trouveraient en Afrique et en Amérique du Sud, le continent noir disposerait en principe de 807 millions d’hectares de terres cultivables dont 197 millions d’hectares seulement seraient exploités.
Ces terres disponibles se trouveraient dans sept pays, l’Angola, la République démocratique du Congo, le Soudan, l’Argentine la Bolivie et la Colombie.
Les experts de la FAO mettent cependant en garde contre toute conclusion hâtive : si ces terres en principe disponibles ne sont pas cultivées, c’est aussi parce qu’elles se trouvent loin des marchés, qu’elles manquent d’eau, qu’elles sont volontairement laissées en friche ou utilisées comme pâtures par les populations nomades qui vivent de l’élevage (comme c’est le cas en Ethiopie dans la région des Afars).
Mettant en garde contre toute conclusion hâtive, l’étude souligne que les transactions sur les terres impliquent plus souvent des acteurs privés, des entreprises ou des acquéreurs locaux que des gouvernements et elle insiste sur le fait que dans bon nombre de pays les droits des populations locales ne sont pas suffisamment pris en compte ou défendus.
A la veille du sommet du G8, Olivier de Schutter, le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation a tenu à attirer l’attention des grandes puissances à la fois sur les chance que pouvait représenter ce nouvel attrait des terres agricoles et sur les risques qu’il faisait couruir aux populations les plus vulnérables : d’un côté les investissements peuvent créer des infrastructures et de l’emploi,n permettre aux agriculteurs d’accéder au crédit. Mais ils risquent aussi d’entraîner l’expulsion de cultivateurs pauvres qui se verraient alors privés de leur droit à l’alimentation. Olivier de Schutter rappelle aussi les droits des ouvriers salariés du secteur agricole : 500 millions d’hommes et de femmes qui sont parmi les plus exposés au risque alimentaire et méritent une production adéquate. Défendant les droits des agriculteurs locaux, le rapporteur spécial met en garde contre l’agro business hautement mécanisé et prône, en contre partie les projets à haute intensité de main d’œuvre, souhaitant que les populations locales se voient réserver ;, d’office, une partie des récoltes.

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2009/06/26/la-terre-nouvel-enjeu-international-il-en-sera-question-au-g8/

 Posté par rwandaises.com