KINSHASA — Le président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila a adressé le 4 juin une lettre au Premier ministre Adolphe Muzito dans laquelle il lui interdit d’engager des dépenses sans avoir son aval.

Le contenu de cette correspondance signé par le directeur du cabinet du chef de l’Etat, Adolphe Lumanu Mulenda précise que sur l’instruction de la hiérarchie plus haute, désormais tout ordonnancement des dépenses publiques devra avant paiement requérir l’autorisation préalable du président de la République. Il en est de même pour les plans de trésorerie mensuels.

« Cette restriction est dictée par le souci majeur d’endiguer à très court terme les dérapages substantiels et répétés des Finances Publiques et de la monnaie nationale observés au cours des derniers mois, lesquels seraient susceptibles de compromettre les engagements de la République, souscrit auprès des partenaires multilatéraux », indique la correspondance du président Kabila.

Selon un conseiller du président congolais, M. Muzito, depuis son arrivée à la Primature en octobre 2008, s’est illustré par un certain manque de rigueur et d’orthodoxie dans la gestion des finances publiques.

« Beaucoup de parlementaires congolais et les conseillers du chef de l’Etat congolais ont, à plusieurs reprises dénoncé le caractère budgétivore du gouvernement Muzito, avec un cabinet composé de plus de 150 personnes tous payés gracieusement. Alors que les indicateurs économiques sont au rouge », a-t-il affirmé.

Réagissant à cette lettre, le Premier ministre a refusé de porter seul le chapeau de la déroute économique que connaît actuellement la RDC et a accusé les ministres des Finances, Athanase Matenda, du Budget, Michel Lukola, et le gouverneur de la banque centrale du Congo, Jean Claude Masangu, d’être les principaux responsables de la situation catastrophique de l’ économie congolaise.

Selon M. Muzito, ce sont les trois argentiers de la République, principaux maillons de la chaîne de dépenses, qui engagent des dépenses sans au préalable informer le chef du gouvernement.

Tout compte fait, la lettre du président au Premier ministre relève le climat d’incertitude et de suspicion qui règne d’une part entre le chef de l’Etat et son Premier ministre, et d’autre part entre ce dernier et quelques membres de son gouvernement.

« Chaque jour qui passe, le pays fait un pas de plus vers l’ abîme. Pour arrêter cette agonie lente et programmée, le président Joseph Kabila veut, en assumant ce qui relève de son cahier des charges, endiguer à très court terme les dérapages substantiels et répétés des finances publiques et de la monnaie nationale », selon un analyste.

Pour Jean-Claude Mvuemba, député de l’opposition de la province du Bas-Congo (ouest), le gouvernement de Muzito n’a pas réussi à endiguer les dérapages de finances publiques.

« Son règne a été surtout marqué par la série de grèves observées dans des entreprises publiques. La réforme des entreprises qu’il a amorcée en mai dernier est vivement critiquée par les opérateurs économiques congolais. Cette réforme n’est pas différente de la zaïrianisation de 1973 qui a conduit l’économie congolaise dans le chaos », a-t-il martélé.

Beaucoup d’analystes de la scène politique congolaise affirment qu’il y a bel et bien un climat de tension et un manque de confiance entre Joseph Kabila et Adolphe Muzito et qu’en agissant de la sorte, le président de la RDC est dans la logique dure, celle du désaveu de son propre gouvernement.

Le professeur Buyoya, politicologue et analyste politique, a indiqué que la lettre du président au Premier ministre risque de faire voler en éclat l’Alliance pour la Majorité présidentielle ( AMP) qui regroupe le Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD), parti du président Kabila et le Parti lumumbiste uni (PALU) d’Adolphe Muzito.

La situation actuelle, estiment des observateurs, risque de conduire à la démission du Premier ministre. Déjà au niveau de l’ Assemblée nationale, des députés pensent à la démission de M. Muzito, selon un membre de la chambre basse.

« Quelque soit la situation à venir, il y a un manque de confiance qui s’est installée entre le président et son Premier ministre. Cette crise de confiance actuel risque de conduire le pays à la paralysie économique et politique. Par conséquent il faut inévitablement un remaniement du gouvernement congolais pour sortir de l’impasse actuelle », a affirmé le député Jean-Lucien Buta Tongba.

Jean- Lucien Buta Tongba, député de l’opposition et membre du Mouvement de Libération du Congo (MLC), parti de Jean-Pierre Bemba, qui vient d’initier une motion de censure contre le Premier ministre Adolphe Muzito, a déclaré qu’il compte l’amorcer lors de la prochaine plénière de l’Assemblée nationale.

Par Luc Roger Mbala Bemba

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