Son adresse au monde musulman était l’un des discours les plus attendus d’Obama, les plus périlleux aussi. Il a déjoué les embûches en s’écartant des règles habituelles de l’art oratoire, voire des discours diplomatiques qui se fondent sur la règle du balancier «un coup à gauche, un coup à droite » ou qui estompent, dans la fumée des bonnes intentions, les vérités qui fâchent, les réservant pour les huis clos et les tête à tête au sommet.
Son inspiration, Obama est allé la chercher à la fois au plus profond, et au plus haut. Au plus profond de sa propre singularité, de l’histoire de son père, -cet étudiant africain boursier qui appela son fils Hussein-, de la sienne propre, au croisement de plusieurs cultures, de plusieurs continents. Ne craignant pas d’invoquer le « je », Obama a pris ses interlocuteurs à témoin de son parcours atypique, mais aussi, surtout, aux valeurs qui l’ont rendu possible. Ces valeurs qui sont fondatrices de l’Amérique et auxquelles il entend rendre leur lustre originel.
Mais il est aussi allé beaucoup plus loin. Il a su évoquer, à travers l’histoire et la culture, les valeurs de l’ « autre ». Rappeler combien l’ Islam fut le gardien des savoirs et de la tolérance. Sortant des discours manichéens, dichotomiques « nous et les autres » , « le choc des civilisations », Obama a eu l’habileté de puiser dans le patrimoine de ses interlocuteurs les raisons même qui devraient les inciter à rejoindre les efforts que l’Amérique entend déployer.
En un sens, il se trouve aussi bien aux antipodes de Kissinger que de George Bush : son prédécesseur invoquait lui aussi les valeurs morales, mais cette morale là, volontiers autiste, entendait s’opposer au reste du monde et la lutte contre les « forces du mal » se confondait dangereusement avec la défense de l’ « American way of life ». De son côté, Kissinger, le champion de la « realpolitique » invoquait souvent la nécessité de tenir compte des rapports de force pour maquiller une politique fondée sur le cynisme et la volonté de puissance.
Ici aussi, Obama est ailleurs, il n’occulte ni les erreurs ni les défauts de l’Amérique mais il le fait avec une simplicité qui semble coïncider avec le simple bon sens. Ces constats, tellement évidents, désarment les éventuelles critiques à domicile et ce franc parler qui a toutes les allures du parler vrai autorise des désaveux sans complaisance, qu’il s’agisse du développement des colonies par Israêl ou de la tentation extrémiste qui trahirait l’esprit même de l’Islam.
En réalité, ce n’est pas non plus à la dialectique que recourt Obama, qui, au trio classique « thèse-antithèse-synthèse » préfère la méthode de Socrate, la maïeutique, accouchant l’autre de ses propres vérités. L’Amérique à laquelle il se réfère n’est pas donneuse de eçons, mais porteuse de sens…
En ce sens, il ne se trouve pas dans la ligne des hommes politiques récents, mais dans celle des pères fondateurs : son Amérique à lui n’est pas donneuse de leçons, mais porteuse de sens…

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Posté par rwandaises.com