Alex Wynter à Kabuya 1, Kayonza, Rwanda
Les chefs d’entreprises du monde entier en quête de méthodes pour doper leur productivité pourraient utilement s’inspirer du concept rwandais de l’imihigo.
Ce mot kinyarwanda désigne généralement une sorte de « contrat au mérite », parfois tout simplement un but ou un objectif – mais il est impossible d’en donner une traduction qui rende vraiment justice de l’idée.
La signature d’un imihigo revêt une énorme valeur morale. De plus en plus courants dans le secteur public, ces engagements reflètent une détermination sans faille à atteindre coûte que coûte les objectifs fixés.
A en juger par l’impressionnant degré de sens civique qui règne non seulement dans la capitale Kigali, mais aussi dans les autres villes du pays, le système fonctionne admirablement.
L’esprit de l’imihigo s’affiche partout: dans les jardins publics impeccablement tenus, dans les bordures d’herbe soigneusement tondues, dans les pierres de parement peintes avec méticulosité, dans les caniveaux où l’on peine à repérer un simple mégot de cigarette.
Kigali est sans doute aujourd’hui une des villes les plus propres de la planète.
Les Rwandais expliquent ce miracle par le fait que seule la quasi perfection peut oblitérer la tragique histoire récente de leur pays et garantir que celui-ci sera reconnu pour autre chose que le génocide de 1994.
Un impact tangible
L’imihigo qui sous-tend le principal programme de réduction des risques de la Croix-Rouge rwandaise, dans le district oriental de Kayonza relativement aride où la sécurité alimentaire représente un défi permanent, ne fait pas exception.
Le Département britannique pour le développement international assure jusqu’à la fin de 2010 le financement de ce projet très performant d’élevage dans des communautés rurales défavorisées comme Kabuya 1. Sur les 123 vaches données aux villageois depuis 2007, treize ont mis bas et cinq seulement ont péri, dont une lors du vêlage. La Croix-Rouge espère améliorer le taux de reproduction des animaux afin d’élargir le projet à d’autres bénéficiaires.
Les revenus tirés de l’élevage ont un impact tangible sur les conditions d’existence des villageois dont certains ont par exemple remis en activité une bananeraie. Tout le monde s’accorde à dire que la situation nutritionnelle globale s’est sensiblement améliorée.
« C’est notre troisième imihigo annuel », commente Anita Mutesi, présidente de la section locale de la Croix-Rouge et adjointe au maire de Kayonza en charge des affaires sociales. « Cette année, nous prévoyons de créer une serre sur une parcelle d’un hectare qui nous a été cédée par les autorités du district. Les habitants de la région y apprendront à cultiver des légumes. »
Gageons que, une fois encore, le succès sera au rendez-vous.
L’héritage du génocide
Comme beaucoup d’humanitaires oeuvrant à la réduction des risques de catastrophes, Anita Mutesi est moins intéressée par la définition du concept que par ses potentialités concrètes. Lorsqu’on lui demande comment elle perçoit la réduction des risques dans cette partie du Rwanda, elle répond tout simplement: « Nous nous contentons d’apprendre aux gens à faire face aux problèmes qui se posent dans leur région ».
A Kayonza, cela passe par le reboisement, la remise en état des sources, le rabattage des animaux sauvages échappés du parc national d’Akagera, près de la frontière tanzanienne, ou encore la création de passages pour piétons. Cela comporte aussi d’assimiler le lourd héritage du génocide.
La Croix-Rouge rwandaise s’est lancée dans des activités de recherche de personnes et des programmes au bénéfice des orphelins et autres enfants vulnérables dès 1994. Rien qu’en 2008, elle a assisté de diverses manières près de 9000 bénéficiaires dont plus de 600 ont suivi une formation professionnelle dans les métiers de la couture, de la charpente, de la cuisine, de la mécanique et de la soudure.
Le traumatisme, note Anita Mutesi, demeure encore très présent et les angoisses de ceux qui ont vécu cette tragédie, que ce soit en tant que victimes ou que bourreaux, se transmettent aux jeunes générations. Le message de la Croix-Rouge, diffusé principalement dans les écoles où l’organisation mène des activités de soutien psychosocial, est simple.
« Nous leur apprenons à vivre ensemble », poursuit la présidente, « nous leur expliquons que nous sommes tous des Rwandais. »
Sécheresse
Le projet de sécurité alimentaire à Kayonza, élément majeur des efforts de réduction des risques de la Croix-Rouge rwandaise qui est soutenu par la Fédération internationale, a été lancé à la suite d’une sécheresse particulièrement sévère en 2006.
Le fameux « pays des mille collines », dont beaucoup ont été entièrement terrassées pour les besoins de l’agriculture, est aussi un des plus peuplés d’Afrique en proportion de sa superficie, d’où une pénurie aiguë de terres arables.
Selon l’UNICEF, près de la moitié des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique et plus de la moitié des ménages sont confrontés à l’insécurité alimentaire et particulièrement vulnérables aux fluctuations mondiales des prix des denrées de base.
Pour Farida Mangazina, 48 ans, mère de quatre enfants et fière propriétaire d’une des magnifiques vaches inyambo qui ont vêlé à Kabuya 1, la nourriture est à présent un moindre soucis. Jadis considérées comme sacrées au Rwanda, ces bêtes produisent au moins quatre litres de lait par jour, une ressource considérable pour une famille rurale dépourvue de tout autre moyen de subsistance.
Farida Mangazina est aux petits soins pour ‘Bihogo’. Elle brosse chaque jour avec application le précieux animal en se gardant des imposantes cornes qui suivent le mouvement de balancier de sa tête.
Source: International Federation of Red Cross And Red Crescent Societies (IFRC)
Posté par rwandaises.com