p6_5188Le président de la Bad, le Rwandais Donald Kaberuka, est invité à participer au Sommet du G8 qui s’ouvre ce mercredi à L’Aquila. Rencontré hier à Genève avant son départ pour l’Italie, il a dessiné pour nous un tableau global de l’économie africaine, avant de s’exprimer sur la réunion du G8 et de donner son avis sur les rumeurs de dévaluation du Franc Cfa.

Wal Fadjri : Vous allez participer à la réunion du G8 de L’Aquila. Qu’attendez-vous de cette rencontre ?

Donald Kaberuka : Il faut savoir que l’Afrique n’y va pas pour quémander. Nous y allons parce que les pays du Nord comme ceux du Sud ont des obligations mutuelles à remplir.

Wal Fadjri : Seulement, le G8 promet et ne respecte pas sa parole. Qu’allez-vous leur dire ?

Donald Kaberuka : L’Afrique est bien présente avec au moins cinq chefs d’Etat. Ils sont mieux habilités à exprimer les besoins de l’Afrique.

Wal Fadjri : Il sera beaucoup question de la crise financière. Mais quel est son impact sur les pays africains ?

Donald Kaberuka : L’impact de la crise peut être vu sur trois angles. L’Afrique du Sud est touchée, et en conséquence, tous les pays qui dépendent économiquement de ce pays le sont. Cela s’explique par le fait que la crise a eu un impact négatif sur l’industrie du luxe touchant ainsi le diamant sud-africain. Par ailleurs, les autres pays touchés par la crise sont ceux qui dépendent de l’influence extérieure, comme le Botswana qui dépend largement des investissements extérieurs et de l’envoi d’argent qu’effectuent ses migrants. Il y a un autre groupe de pays également concernés, c’est l’exemple de l’Ile Maurice. Cependant, des pays comme la Tunisie, la Tanzanie gardent encore leur croissance. Mais jusqu’à quand ?

Je souhaiterais que les leaders africains continuent à stimuler l’économie. Et à l’endroit des pays riches, j’attends que leurs dirigeants fassent revenir la confiance. De manière générale, certains pays africains vont rebondir très vite, mais d’autres vont connaître des difficultés liées à la crise économique. Toujours est-il que j’espère que la réunion du G8 de demain (Ndlr, ce mercredi) et celle du G20 prévue au mois de septembre prochain permettront de relancer l’économie mondiale.

Wal Fadjri : De plus en plus, on évoque la possibilité de dévaluer le Franc Cfa. Une telle mesure serait-elle la bonne pour faire face à la crise ?

Donald Kaberuka : La Bad n’est pas habilitée à parler de la dévaluation, mais je peux vous dire que les problèmes auxquels nous faisons face sont des questions liées à l’économie réelle et pour y faire face, ce ne sont pas des ajustements monétaires qu’il nous faudrait.

Wal Fadjri : Avec la crise, votre banque, en plus de son rôle traditionnel d’investissements, joue un rôle de banque commerciale. Jusqu’où irez-vous ?

Donald Kaberuka : Les banques d’investissement comme la Bad ont investi des secteurs longtemps réservés aux banques commerciales, car nous nous sommes rendu compte, depuis décembre dernier, que des entreprises ne fonctionnaient plus faute de financements de leurs activités. La Bad qui finançait la construction des routes et des barrages par exemple, s’est retrouvée comme d’autres banques d’investissements à jouer le rôle de banque commerciale. Ce qui n’est pas un effet d’éviction, mais il y avait un gap que nous sommes venus combler. Si les banques d’investissements jouent aujourd’hui des rôles précédemment dévolus aux banques commerciales, c’est parce qu’il y a une nécessité urgente de faire face à la crise. En réalité, nous essayons de travailler avec les banques commerciales, notre volonté n’est pas de les remplacer.

Wal Fadjri : N’avez-vous pas peur qu’à la longue, cette crise économique ne débouche sur une crise sociale ?

Donald Kaberuka : On constate que des jeunes quittent les zones semi-urbaines pauvres. Vivant avec moins d’un dollar par jour, ils doivent se payer la nourriture, le transport, etc. Ces jeunes sont souvent plus perméables aux discours des hommes politiques populistes qui leur promettent des rêves. Cependant, il n’y a pas encore des révoltes comme ce fut le cas avec la crise alimentaire.

Wal Fadjri : Que pensez-vous du nouveau rapport publié par la Cnuced sur l’Afrique et recommandant l’intégration régionale pour assurer le développement de l’Afrique ?

Donald Kaberuka : La Banque africaine a multiplié par trois fois son financement de l’intégration régionale. L’enveloppe est passée de 5 millions à 1 milliard 200 millions de dollars pour les projets d’intégration. C’est vous dire que nous sommes le chef de file dans ce domaine. Mais, je tiens à vous dire qu’il faut trois leviers pour assurer l’intégration africaine : une volonté politique, tomber d’accord sur quelle formule adopter pour s’intégrer et enfin avoir les ressources. Il faut donc travailler sur ces trois angles. Comment expliquer la fermeture des frontières entre des pays africains, et toutes ces difficultés pour pouvoir y installer une entreprise ?

Wal Fadjri : Il y a quelques années, vous nous confiez votre optimisme pour l’Afrique. L’êtes-vous toujours ?

Donald Kaberuka : Oui, je suis très optimiste, car les conditions de décollage sont restées intactes depuis au moins dix ans. C’est ce qui nous conduit à avoir une économie plus solide qu’il y a vingt ans. Par ailleurs, nos capacités de réactions sont meilleures qu’elles ne le furent auparavant.

Propos recueillis à Genève par El Hadji Gorgui Wade NDOYE (ContinentPremier.Com)

http://www.walf.sn/economique/suite.php?rub=3&id_art=56823

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