Rwagasore : Eléments Biographiques

 




Prince Louis RWAGASOREFils du Mwami MWAMBUTSA et de Thérèse KANYONGA, le prince Louis RWAGASORE est né à Gitega le 10 janvier 1932. Il entame l’école primaire à l’âge de 7 ans à Bukeye, puis à Kanyinya et Gitega. In 1945 il entre au Groupe Scolaire d’Astrida à Butare (Rwanda) où il étudie pendant 6 ans.

En 1956 il ira à l’université d’Anvers, en Belgique, mais reviendra très vite au Burundi où il entame sa vie politique au niveau associatif par la création de coopératives strictement africaines, qui seront interdites par la Belgique, pays de tutelle, en 1958.

Il épouse Marie-Rose NTAMIKEVYO le 12 septembre 1959.

En septembre 1958, il forme l’UPRONA, Union pour le PROgrès NAtional, avec quelques camarades nationalistes, dont Paul MIREREKANO et Thaddée SIRYUYUMUSI. Ce parti ne sera agréé que le 7 janvier 1960. Rentré de Belgique, le Mwami veut lui confier la chefferie de Butanyerera (actuellement en province de Ngozi), ce qu’il refuse afin de pouvoir se dévouer entièrement à la cause nationaliste.


La photo ci-dessus montre, de gauche à droite, le Prince Louis Rwagasore (1er), en compagnie de son frère, le Prince Charles (2è), à l’âge d’environ 12 ans, son père le Roi Mwambutsa (3è) et le Résident Belge Jean Paul Harroy (4è).

Un conflit politique naît avec son père, le Roi MWAMBUTSA, qui se déclare au-dessus des partis politiques, le 8 février 1960, peu après l’indépendance du Congo ; le monarque se sentant menacé par le nationalisme grandissant en Afrique. RWAGASORE et MIREREKANO étaient très proches du nationaliste congolais Patrice LUMUMBA.

RWAGASORE préside le Congrès de l’UPRONA du 14 au 20 mars 1960 : ils demandent l’indépendance du Burundi. La résistance au colonialisme prend une nouvelle tournure ; l’UPRONA demande à la population de ne plus payer de taxes, de boycotter les magasins tenus par les expatriés ; une campagne de désobéissance civile s’installe. MWAMBUTSA répète qu’il est au-dessus de partis.

Du 27 octobre au 9 décembre 1960, Louis RWAGASORE est placé en résidence surveillée, juste avant les élections communales organisées à la mi-novembre. Le PDC, soutenu par la Belgique, l’emporte.

Le 18 septembre 1961 se tiennent des élections législatives, sous la supervision de l’ONU : RWAGASORE et l’UPRONA remportent une large victoire : 80% pour l’UPRONA, 20% pour le « Front commun » dans lequel se trouve le PDC, battu.

Le 28 septembre 1961, Thaddée SIRYUYUMUSI est élu président de l’Assemblée Législative et RWAGASORE est désigné en qualité de formateur du Gouvernement qui devait préparer le pays à l’Indépendance.

Il est investi comme Premier ministre le 29 septembre 1961. Pierre NGENDAMDUMWE devient vice-premier ministre et ministre des Finances, dans un gouvernement comptant une quinzaine de ministres. La Défense demeure entre les mains de l’administration belge.

Un mois après la formation de son gouvernement et 8 mois avant l’Indépendance, il est assassiné, le 13 octobre 1961, dans un restaurant près du Lac Tanganyica. L’assassinat, exécuté par KAGEORGIS, un Grec, avait été commandité par des leaders du PDC, dont le chef BARANYANKA, membre de la famille royale (Mwami Ntare).

Le 2 avril les assassins de RWAGASORE sont condamnés. KAGEORGIS sera fusillé le 30 juin, à la veille de l’Indépendance, le 1er juillet 1962. Le 15 janvier 1963 d’autres complices seront pendus au stade de Gitega. Parmi eux, les fils du chef BARANYANKA, NTIDENDEREZA et BIRORI.

Peu de temps après la mort de RWAGASORE, l’UPRONA va se diviser en deux ailes, dès 1962. Les différenciations entre Hutu et Tutsi vont se développer progressivement jusqu’à aboutir à une monopolisation du pouvoir aux mains d’une oligarchie, essentiellement tutsi. L’UPRONA se transforme en un parti unique, dès 1966.

Le rêve d’un Burundi libre, uni et démocratique du prince Louis RWAGASORE est brisé : la souveraineté du peuple burundais a été confisquée par une oligarchie militaro-civile, qui au cours des années changera de figure de proue, mais n’hésitera jamais à recourir à la force et à la violence pour maintenir ses privilèges.

 

 

Rwagasore : Discours du 18 septembre 1961

 




Reproduction intégrale du discours prononcé par le prince Louis Rwagasore, le 19 septembre 1961, au lendemain de la victoire de son parti, l’UPRONA, aux élections législatives du 18 septembre 1961

Mes chers compatriotes,

J’ai l’honneur et le plaisir de m’adresser à vous en ce moment décisif. Le peuple murundi vient de choisir ses dirigeants nationaux et de se prononcer sur son avenir dans un climat de calme et de paix qui l’honorent.

Dans toute compétition, fut-elle politique, il y a un gagnant et un perdant, et l’UPRONA, de par votre libre volonté est sorti vainqueur des élections législatives et formera demain le premier Gouvernement du Burundi autonome.

Mais le vainqueur et le perdant sont tous des Barundi, membres de la même famille nationale, enfants d’un même Mwami. Le Burundi a besoin de tous, à quelques partis politiques qu’ils appartiennent. C’est pourquoi, mes chers compatriotes, la victoire électorale d’aujourd’hui n’est pas celle d’un parti mais le triomphe de l’ordre, de la discipline, de la paix, de la tranquillité publique.

Car sans autorité forte, aucun pays ne connaît l’ordre, la paix, la tranquillité. Sans autorité forte, point de progrès. C’est aussi le triomphe de la démocratie telle que le peuple murundi la comprend et la veut, c’est-à-dire la véritable justice sociale plutôt que des formes extérieures d’une démocratie de surface. L’heure est arrivée de se pencher sur les véritables problèmes de la nation : problèmes économiques surtout, problèmes de la terre et de l’émancipation sociale du petit peuple, problèmes de l’enseignement et tant d’autres, auxquels nous cherchons et trouverons des solutions qui nous sont propres.

Il faut surtout que les habitants du Burundi se sentent en paix et en sécurité, que personne ne se croit menacé et que chacun ait confiance dans la protection du Gouvernement. C’est pourquoi ce Gouvernement qui sera formé bientôt aura comme premier devoir de sévir sévèrement contre tout fauteur des troubles, les irresponsables quels qu’ils soient. J’exhorte surtout plus spécialement les partisans et amis de l’UPRONA à se montrer dignes de la victoire du Parti. Les militants actifs doivent agrandir le cercle de nos amis, tendre loyalement et cordialement la main aux adversaires d’hier et non étaler de l’orgueil ou de l’insolence.

Le Comité National de l’UPRONA sera sans pitié pour ceux de ses partisans qui ne respectent pas ce mot d’ordre impératif de courtoisie, de tolérance et de respect d’autrui, car le Parti ne tolérera pas que le prestige, l’honneur et l’avenir de la Patrie soient compromis par des paroles ou des gestes irréfléchis de quelques exaltés.

La campagne électorale est terminée, le passé doit être oublié et il ne faut plus penser qu’à l’avenir qui est prometteur si nous voulons et si nous agissons en conséquence.

Par conséquent, les hommes qui permettront de décourager ou importuner les étrangers ou les adversaires politiques, sous prétexte de la victoire du Parti Nationaliste seront considérés comme des ennemis de la Patrie et seront punis de manière exemplaire.

Aux voleurs, agresseurs et bandits de toute espèce, nous annonçons une répression énergique et impitoyable, un châtiment dont ils se souviendront.

Le peuple murundi vient de faire son choix et nous n’avons pas le droit de le décevoir en exerçant le pouvoir qu’il nous a délégué pour assouvir nos rancoeurs ou notre orgueil. Nous lui devons au contraire, de nous servir de ce pouvoir pour rassurer tous les hommes, augmenter le nombre de nos amis et apaiser les querelles entre Barundi.

Il appartient aux partisans de l’UPRONA, les plus importants davantage encore que les plus humbles, de donner l’exemple de cette volonté de concorde, de patience et de tolérance.

Nous avons fait notre politique en acceptant toutes les conséquences qui en découlent, mais c’est pour servir le pays et le peuple ; le Parti ne permettra pas que personne fasse dévier notre idéal et notre but.

A cette heure de la victoire du Parti, fût-il le mien, je ne suis pas grisé par le succès, car pour moi et mes amis, la véritable victoire ne sera atteinte qu’après l’accomplissement d’une tâche difficile mais exaltante ; un Burundi paisible, heureux et prospère.

Nous ouvrons nos bras à tous ceux qui veulent collaborer avec franchise et bonne foi. Nous sommes des hommes d’honneur, des hommes réfléchis et calmes et nous voulons donner au peuple ce qu’il lui a été promis.

Au peuple belge, j’ai l’honneur d’adresser un message de gratitude, la responsabilité que, vous belges, vous portiez, vous allez bientôt la transférer sur nos épaules et nous sommes conscients de nos devoirs.

Nous vous demandons de nous aider à entreprendre l’avenir avec confiance, de continuer à nous aider avec générosité, à nous guider dans le respect de notre dignité, de nos intérêts et de notre propre conception de l’intérêt national.

Nous sommes devenus des enfants libres et adultes mais nous suivrons la tradition de notre peuple qui veut que les enfants restent respectueux et témoignent leur affection.

Vous nous jugerez à nos actes et votre satisfaction sera notre fierté.

Que Dieu nous aide et nous éclaire et que notre Mwami bien aimé en reste longtemps encore le sage garant, le père de la Nation.

Vive le Burundi.

 

 

 

Rwagasore : Oraison funèbre prononcée par Pierre Ngendandumwe

 




Quelques extraits de l’oraison funèbre prononcée par Pierre NGENDANDUMWE

 « (…) Conseiller Général, sage dynamique et écouté, il ne ménageait jamais ses forces pour se consacrer jours et nuits aux nombreuses audiences de tout genre. Grands et petits, malheureux et désolés, tous étaient reçus à bras ouverts et trouvaient en sa personne aide, encouragement et consolation.

Majesté, votre fils est mort assassiné, il a perdu la vie au front. Il combattait les ennemis de votre peuple. Il est et reste le grand ennemi de l’injustice, de la bassesse, de la corruption. Voilà la raison de son assassinat.

Il a dit non à l’injustice, montré la voie du peuple murundi. Il est mort parce que qu’il voulait l’unité. Ceux qui l’ont assassiné désiraient la désunion, la haine et au bout du processus le sang des innocents. Le plan nous est familier. On supprime d’abord la personne qui gêne, puis on plonge le peuple dans le sang. Que ces malheurs n’arrivent jamais à votre peuple (…) »

« (…) Son amour pour le Burundi était tel que nos ennemis ne pouvaient pas le lui pardonner, ils devaient le tuer tôt ou tard (…) »

« (…) Lui voulait le Burundi libre et grand. Eux voulaient l’asservir, le déshonorer, le souiller (…) »

« (…) Prince mort pour le Burundi, vous victime et martyr de notre Patrie, jamais nous n’oublierons le principe de votre vie que résume merveilleusement votre recommandation : PAIX. Allez en paix, Prince, que la Paix que vous avez tant prêchée reste dans le Burundi, ce pays auquel vous vous êtes offert en holocauste. »

C’était Pierre NGENDANDUMWE qui s’exprimait ainsi et c’est le même qui allait être assassiné quatre années plus tard, le 15 janvier 1965.

« On supprime d’abord la personne qui gêne, puis on plonge le peuple dans le sang ». Quelles paroles prophétiques !

 

 

La Démocratie vue par Louis Rwagasore

 




Extrait de « La vérité sur le Burundi », par B.F. KIRARANGANYA,

pp.34-35. Éditions Naaman de Sherbrooke, Québec, 1977.

Personnellement, je n’ai pas été pris au dépourvu.

J’ai soutenu la démocratie sans y croire vraiment : c’était trop beau pour être faisable…

Il n’était pas raisonnable de penser à une vraie démocratie sans Watergates sanglants avant au moins les années 1990-2000. Excepté à deux conditions : si Louis Rwagasore n’était pas mort, ou si les leaders tutsis avaient bien voulu faire confiance à Pierre Ngendandumwe, ce Hutu de la catégorie d’hommes dont j’ai dit que la valeur personnelle concerne l’intérêt universel.

Louis Rwagasore, au contraire, était sûr de son coup. Selon lui, les chances de la démocratie étaient certaines et les Barundi étaient mûrs pour la belle aventure !

Je dus alors suivre à cause de mon admiration pour le grand leader de notre parti.

Un jour, je voulus m’assurer une fois pour toutes de ses intentions les plus intimes à ce sujet. Nous étions, ce jour-là, en voyage pour plus d’une heure et demie sur le trajet Gitega – Bujumbura, cent-onze (111) kilomètres de mauvaises routes. Nous avions donc tout le temps de discuter de n’importe quel sujet sans être interrompus ou dérangés. Je lui demandai alors, très sérieux :

– Prince, cette démocratie que nous prêchons, est-ce que c’est sérieux ? C’est de la blague ou quoi ? Vous y croyez vraiment, vous, ou c’est seulement pour rigoler ?

– J’y crois parfaitement.

– Ne pensez-vous pas que, de fil en aiguille, le peuple n’en arrive à réclamer jusqu’à l’élection du chef de l’Etat lui-même ? Et que vos chances, à vous, en tant que prince seront fortement diminuées ? Pas maintenant bien sûr, mais dans les années plus ou moins proches. Vous voyez ça d’ici…

– Oui, je vois ça d’ici, me répondit-il ironiquement. Mais je dois aussi vous dire une chose, continua-t-il, très sérieux : la démocratie, voilà au moins la meilleure chose que les Belges ont pu nous suggérer. Le peuple burundais a droit à la dignité et à la liberté, nous devons donc le diriger par la démocratie. Si demain le peuple ne veut plus de mon père (Mwambutsa IV), je serai le premier à lui conseiller d’abdiquer.

Tandis que je l’écoutais avec intérêt sans l’interrompre, il continua :

– Quant aux chefs de chefferies, bien que la plupart soient de ma famille, je ne les renie pas, mais il faut qu’ils soient là de par la volonté du peuple. Ils faut qu’ils soient élus. Je suis sûr que ceux d’entre eux qui se sont toujours souciés de la justice et du bien-être de leurs populations seront élus, puis réélus. Ceux qui se sont mal conduits, ce n’est pas à moi ni à notre parti de les soutenir, d’endosser leurs fautes. Ce sera vraisemblablement leur fin et ce sera mieux ainsi. En ce qui me concerne personnellement, eh bien, nous avons fait des études et je suis jeune : si je ne suis pas élu je travaillerai toujours quelque part. Mais le peuple sera content. Dès aujourd’hui, si j’étais sûr que les Burundais (il disait Barundi, terme plus académique) veuillent déjà la République et que cette solution soit la meilleure, je ne ferai absolument rien pour les en empêcher. Ce serait leur droit le plus légitime.

 

 

13 octobre 1961 – Le prince Louis, ses proches et son pays

 




Le prince Louis, ses proches et son pays

Par Nils Gasarara – Correspondance particulière – @rib News, 13/10/2008

Le meurtre, de coups de fusil de chasse, le 13 octobre 1961 à Bujumbura, au soir, sur les bords du lac Tanganyika, du prince Louis Rwagasore, Premier ministre et fils aîné du roi Mwambutsa IV Bangiricenge, marqua le prélude à une durable et diabolique entreprise de déstabilisation de la famille royale, des Tutsi de l’opposition (ou pris comme tels) et des Hutu. De tout un pays, en somme…

Primo, à cette heure et quoi qu’on dise, cette immense tragédie à la grecque, quels qu’en soient les auteurs ou les acteurs, n’est pas prête d’écrire son dernier acte. Une situation franchement dégueulasse, comme dirait l’autre. A coups d’assassinats savamment orchestrés, les « ennemis de la nation », tout aussi impunis, ont durablement démantelé l’harmonie d’une nation séculaire connue depuis Claude Ptolémée.

Ce plan macabre a atteint, plus de vingt ans avant le 21 octobre 1993, son paroxysme lorsque l’ex-roi Ntare V (ou Charles Ndizeye, jeune et demi-frère du prince Louis), fut faussement accusé par le régime sanguinaire de Michel Micombero de tentative d’envahissement du Burundi, à la tête de mercenaires étrangers, de hordes Maï-Maï (venues de l’Est de l’ex-Zaïre, encore et toujours en ébullition) et de rebelles Hutu. Même Balthazar Barandagiye, en qui Louis Rwagasore avait placé toute sa confiance en le nommant dans son équipe, liquida, en 1972, nombre de Hutu dans sa région, près de Rushubi.

Durant « la peste » de 1972 et après, sur les collines qui surplombent la capitale, dans ce qui porte le bizarroïde nom de « Bujumbura rural », Léopold Ngaruko, administrateur communal et ancien proche du prince Louis, eut un comportement de « juste », digne d’éloges. Le pouvoir du jeune dictateur Jean-Baptiste Bagaza le lui fit cher payer, dès novembre 1976. A Buhonga, de jeunes upronistes Hutu dont l’avenir s’annonçait très prometteur, parmi lesquels les Mukiga et les Kanonko, célébraient, avec leur fameux orchestre, dans les années soixante, le prince Louis : « Rwaruka rwa Prince Rwagasore, rwaruka rwa Prince Louis, dusab’Iman’idukingire… » ! Plus uproniste qu’eux, l’on serait mort ! Après 1972, il n’en resta aucun de vivant ! Mais ceci est une tout autre histoire !…

Il faudrait que cesse, chaque 13 octobre de l’année, l’instrumentalisation par les dirigeants, depuis novembre 1966 jusqu’à ce jour, de l’image de marque et du nom du héros national, aux fins d’occulter la honte de tout un peuple. Car, sauf erreur, le « cas Ntare V » et l’hécatombe de 1972, demeurés impunis depuis, sont une première dans l’histoire des peuples dits civilisés. Cette année-là, c’en était fini avec les « compagnons » du prince Louis.

Secundo, L’Aube de la Démocratie, sous la plume du directeur de publication, Pie Ndagiyé (numéro 55 du 12 juillet 1996, page douze), pose la question et donne la réponse.  « Que sont devenus les héros de l’indépendance ? Presque tous ont connu une fin misérable ou dramatique. Tombés dans l’oubli, pour les uns, emprisonnés, assassinés ou fusillés sans procès ou après un semblant de procès pour les autres, la classe politique qui a mené le Burundi à l’indépendance a connu une fin misérable, voire dramatique. Les plus chanceux s’en sont tirés en devenant des hommes d’affaires plus ou moins prospères, mais on ne peut pas dire que la patrie a su récompenser ses fils qui se sont donnés corps et âme pour que le pays soit gouverné par les Barundis… Après avoir connu les persécutions et la prison avant l’indépendance, ils ont connu les persécutions, la prison après l’indépendance, quand ils n’étaient pas purement et simplement assassinés ou fusillés. Ils ont été remplacés par une classe de gens qui avaient combattu l’indépendance ou par des personnalités qui n’étaient pas aux affaires à ce moment là. Ce sont ces personnes qui ont instauré la dictature, le règne à coup de génocides, de mensonges, de pillages du pays. Ce sont les mêmes qui ont refusé le résultat des urnes en octobre 1993. Ce pourrait être un acte d’une vaste tragédie intitulée : « L’indépendance volée ».

Selon cette source, ces héros de l’indépendance ou proches collaborateurs du prince Louis, sont, dans le désordre et l’ordre croissant de leur triste sort, les suivants. Assassinés ou fusillés sans procès : les Hutu Pierre Ngendandumwe, Paul Mirerekano, Joseph Bamina, André Baredetse, Mathieu Muhakwanke, Bernard Nirikana, J.-B. Kayabo, Pascal Bankanuriye, Marc Barumpozako, Emile Benyaguje, Ferdinand Bitariho, Pascal Bubiriza, Côme Bucumi, Emile Bucumi, Zacharie Kagura, Ignace Ndimanya et le Tutsi Pierre Ngunzu (exécuté par erreur ; on l’a pris pour un Hutu). Les Tutsi Marc Manirakiza, Antoine Basita et Joseph Mbazumutima ont connu la prison (et la torture), puis ont été oubliés par le pouvoir à leur libération ; Lorgio Nimubona est décédé de mort naturelle ; Thaddée Siryuyumusi, André Nugu, Jean Simbavimbere, Gaspard Nkeshimana, Valentin Bankumuhari, Tite Sindabokoka et Antoine Ntagwarara ont sombré dans l’oubli ; Boniface Kiraranganya vit en exil au Canada ; Ildéphonse Ntamikevyo (Hutu ?), Balthazar Barandagiye, Raphaël Hajayandi, Albin Nyamoya (deux fois Premier ministre), Léon Ndenzako, Léopold Ngaruko et Jean Ntiruhwama ont connu une mort naturelle; Salvator Ndikumagenge, Félix Katikati et Zénon Nicayenzi se sont convertis en affaires…

Commémorer toutes les victimes

Tertio, le prince Louis mort, ses deux enfants ont disparu dans des circonstances (« médicales ») jamais élucidées. Sa jeune et si belle veuve connaîtra le dénouement et même, semble-t-il, le déshonneur, imposés. Le corps sans vie de l’oncle du prince Louis, le prince Ignace Kamatari, fut mystérieusement retrouvé, en 1965, au lieu dit Sororezo, dans les environs de Kiriri. La thèse officielle d’une vie privée agitée prête à confusion. En 1972, l’ex-roi Ntare fut exécuté par le régime sanguinaire de Michel Micombero. Jusqu’à ce jour, ses restes ont été abandonnés dans la brousse, à Gitega, au centre du pays (où il avait été conduit manu militari et détenu), connaissant par là un sort inférieur à celui d’un vulgaire chien.

Le roi Mwambutsa V est décédé de dépit, en 1976, en exil à Genève, après avoir perdu, dans les conditions que l’on sait, ses deux fils qu’il chérissait tant. Il repose au cimetière de Meyrin. Sa tombe est généreusement entretenue par des Burundais de coeur et leurs amis. Selon les dirigeants successifs, le rapatriement officiel et avec les honneurs dus à son rang, à Bujumbura, de sa dépouille, n’est pas une priorité. Pourtant, réhabiliter ces deux chefs d’Etat, Mwambutsa IV et Ntare V, rapprocherait les Burundais et les conduirait indubitablement à aller de l’avant autour d’une valeur héritage de nos pères et commune à l’humanité entière : le respect aux morts, prélude à la réconciliation. Les dirigeants le savent, mais préfèrent la politique de l’autruche. C’est connu : les promesses n’engageraient que ceux qui y croient ; d’où les Burundais se sont subitement convertis en Saint-Thomas…

Quarto, que dire en guise de conclusion provisoire ? Célébrer la mémoire du prince Louis implique le droit de la jeunesse burundaise de savoir. L’histoire immédiate doit être enseignée dans les écoles ; c’est le travail des gouvernants, leur devoir. Connaître l’histoire du roi Mwezi Gisabo, c’est bien ! Mais comment taire celle du roi Ntare V, ou celle où le pays vécut courbé sous la botte du fossoyeur de la monarchie, le capitaine (général) Michel Micombero ? Quant aux diverses difficultés liées à l’élaboration d’un manuel d’histoire (contemporaine ou immédiate) du Burundi, l’Unesco est fin prête à contribuer à les surmonter, en collaboration avec d’universitaires burundais et étrangers. Du reste, ces dernières années, le professeur belge Filip Reyntjens affirme sans ambages que lorsque Jean-Pierre Chrétien (France) et lui accordent leurs violons quant à l’histoire tumultueuse du Burundi (sur « 72 » en particulier), les Hutu et les Tutsi de ce pays devraient être capables d’en faire autant…

Le climat s’y prête-t-il ? Pour Bujumbura, avec tant de régimes et de gouvernements depuis l’indépendance (1962), il est urgent de ne pas agir ! D’ici peu, entre le 13 et le 21 octobre 2008, le 19 octobre prochain en l’occurrence, qui mettra les drapeaux en berne en hommage aux victimes (toutes) de la folie meurtrière de 1965 ? Lorsque, à l’heure du partage bassement matériel des postes en vue, dans les institutions, l’armée, la haute administration et ses annexes, d’anciens rebelles Hutu exigent à d’ex-rebelles Hutu de changer de dénomination, l’on y perd son latin. Dieu ne reconnaîtra que les siens !

Dans tous les cas, l’histoire du Burundi post colonial nous enseigne que « les hommes aiment à changer de maîtres, espérant chaque fois trouver mieux. Cette croyance leur fait prendre les armes contre le seigneur du moment, en quoi ils font souvent un mauvais calcul, s’apercevant ensuite qu’ils ont changé un cheval borgne contre un aveugle ». (Machiavel, Le Prince, chap. 3)

 

 

Rwagasore : Son épouse s’appelait Rose Ntamikevyo

 




Le Prince Louis Rwagasore avait une femme. Elle s’appelait Rose Ntamikevyo.

Par Perpétue Nshimirimana – @rib News, 13/10/07

Rose NtamikevyoCe samedi 13 octobre 2007, le Burundi commémore le 46ème anniversaire de l’assassinat du Prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance du Burundi. Un peu partout à travers la diaspora, des invitations ont été lancées aux Barundi  pour se retrouver nombreux afin de marquer cette journée par leur présence.

Un fait étonnant, qui semble se répéter cette année encore, mérite d’être relevé. Le souvenir de l’existence du Prince est toujours évoqué de façon très isolé comme s’il avait vécu dans une bulle, sans aucune attache familiale ou affective.

Jamais au cours de ces quarante six dernières années et au cours des différentes commémorations, tous ceux qui disent se reconnaître en lui, n’ont fait allusion à sa famille. C’est comme si, la mort du prince avait été érigée en symbole désincarné, vidé du sens de son engagement et de sa vie.

En réalité, à côté de son action politique, le prince Louis était marié et père de deux enfants même si ces derniers ne sont plus de ce monde.

Marriage de Louis Rwagasore et Rose NtamikevyoIl avait épousé Rose Ntamikevyo en 1959. Ce mariage avait suscité beaucoup d’émotion. Certains croyaient même y voir une portée symbolique.

Les acteurs du Burundi officiel n’ont jamais formulé une seule pensée pour l’épouse du Prince. Alors qu’elle fait partie du paysage politique burundais des années 60, Marie-Rose Ntamikevyo est tombée au fil des années dans les oubliettes de l’Histoire.

Comment expliquer ce silence autour d’elle ?

Pourtant, elle semblait ne laisser personne indifférent. Certains, parmi ceux qui l’ont connue de près, parlent d’elle de façon très affectueuse.

“ C’était une perle ” affirme un témoin.

D’autres au contraire, étaient beaucoup moins élogieux.

Tenter de l’effacer de la mémoire collective, s’agit-t-il  d’une volonté politique ?

Est-ce un oubli involontaire qui s’est répété d’année en année ?

Qu’est-elle devenue après la mort du Prince ?

Les héritiers politiques de Rwagasore tout comme ses proches devraient, après toutes ces années, expliquer la façon dont ils l’ont aidée à contenir et à surmonter sa douleur. Apparemment, elle semble avoir été abandonnée de tous et livrée à elle-même.

Malgré plusieurs tentatives auprès de personnes sensées lui être proches, il m’a été, par exemple, impossible de connaître la date exacte de son décès. Personne dans son entourage immédiat et connu ne savait !

Cette attitude  laisse songeur !

Ceux qui se réclament de l’héritage du Prince Louis Rwagasore devraient réparer ce manquement.

Le cas de Marie-Rose Ntamikevyo n’est pas un cas isolé.

Tenez, par exemple, la reine Baramparaye, épouse du Roi Mwambutsa IV et mère de Ndizeye Charles, dernier roi du Burundi, est décédée au mois de février 2007 à l’âge approximatif de plus de 80 ans.

Depuis l’assassinat de son fils Ntare V en 1972, elle a vécu dans l’indifférence totale du Burundi officiel, abandonnée de tous. Plus d’un burundais a été surpris d’apprendre qu’elle était vivante toutes ces années,  quelque part dans la province de Gitega.

Combien de temps encore les Barundi vont accepter que “ des acteurs du Burundi officiel ” effacent de leur mémoire tout lien avec la royauté ?

Cela dure depuis 40 ans.

Pourquoi les proches de cette royauté prolongent-ils cet incompréhensible manque de respect envers leurs aînés ?

Cette situation nous rappelle celle que ces mêmes acteurs politiques ont tenté d’imposer aux enfants des “ hutus des années 60 ” pour qu’ils effacent de leur mémoire leurs parents “ disparus ”.

Il n’est pas trop tard pour rendre à nos aînés leur dignité, victimes du “ Burundi officiel ”.

 

Burundi : Que sont devenus les héros de l’indépendance ? Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail

Le Prince Louis, sa famille et ses amis : La patrie ingrate ; un long chemin vers l’oubli

Par Nils GASARARA – Correspondance particulière – @rib News, 13/10/07

Les dirigeants successifs ont fait subir injustement un triste sort  à la famille du prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance, ainsi qu’à ses compagnons de lutte. Les célébrations officielles du 13 octobre, chaque année, date anniversaire de son assassinat, à Bujumbura et dans la diaspora à travers les chancelleries burundaises, ne doivent pas nous faire oublier que, si des larmes sont versées, elles ne sont que de crocodile… 

La Commission vérité & réconciliation, si d’aventure elle voit le jour, pourrait ne rien y changer. Surtout si elle prône l’amnésie, et si la justice punitive et réparatrice en est exclue. Et pourtant, selon André Malraux, « le tombeau des héros est le cœur des vivants »…

Le roi Mwambutsa IV, le père du prince Louis, est décédé de dépit en exil forcé à Genève, en 1976. Sa dépouille repose au cimetière de Meyrin. Selon les autorités, son rapatriement n’est pas une priorité. L’oncle de Rwagasore, le prince Ignace Kamatari, est mort dans des circonstances jamais élucidées. Dans un camouflage, son corps fut abandonné à Sororezo, la colline qui surplombe la capitale Bujumbura. Inspirés, certains de ses enfants prirent le large. Le roi Ntare V, jeune frère de Louis, a été froidement abattu sur ordre, par des militaires, à Gitega, en 1972, pour éradiquer (à jamais ?) la monarchie. Après avoir été ramené par ruse et traîtrise de l’Ouganda d’Idi Amin Dada. Il est toujours enterré dans la brousse, comme un vulgaire chien. Les deux reines mères ont connu, avec la république, une vie et une fin misérables. De même que Marie-Rose Ntamikevyo, l’épouse de Rwagasore. Les deux enfants de ceux-ci sont décédés petits, dans des circonstances médicales plus que troubles. Enfin, les biens de la famille ont mystérieusement disparu, et personne ne veut savoir vers où !…

Que sont devenus les héros de l’indépendance ?

Sous la plume indignée de Pie Ndagiye, journaliste et député (lui-même assassiné par des militaires gouvernementaux en 1998, ndlr), L’Aube de la Démocratie (n° 55 du 12 juillet 1996), donne la réponse :

«Presque tous ont connu une fin misérable ou dramatique. Tombés dans l’oubli pour les uns, emprisonnés, assassinés ou fusillés sans procès pour les autres, la classe politique qui a mené le Burundi à l’indépendance a connu une fin misérable, voire dramatique. Les plus chanceux s’en sont tirés en devenant des hommes d’affaires plus ou moins prospères. Mais on ne peut pas dire que la patrie a su récompenser ses fils qui se sont donnés corps et âme pour que le pays soit gouverné par les Barundis. Jugez-en vous-mêmes !

Nom et Prénom

Ethnie

Fin politique

1. Rwagasore Louis

Ganwa

Assassiné

2. Ngendandumwe Pierre

Hutu

Assassiné

3. Siryuyumusi Thaddée

Tutsi

A terminé dans l’oubli

4. Mirerekano Paul

Hutu

Fusillé sans procès

5. Nugu  André

Tutsi

Oublié

6. Bamina Joseph

Hutu

Fusillé sans procès

7. Katikati Félix

Tutsi

S’est reconverti en affaires

8. Baredetse André

Hutu

Fusillé sans procès

9. Simbavimbere Jean

Tutsi

Oublié

10. Nkeshimana Gaspard

Tutsi

Oublié

11. Bankumuhari Valentin

Tutsi

Oublié

12. Ildephonse Ntamikevyo

Hutu

Mort naturelle

13. Muhakwanke Matthieu

Hutu

Fusillé sans procès

14. Bernard Nirikana

Hutu

Fusillé sans procès

15. J. B. Kayabo

Hutu

Fusillé sans procès

16. Bankanuriye Pascal

Hutu

Fusillé sans procès

17. Barandagiye Balthazar

Tutsi

Mort naturelle

18. Barumpozako Marc

Hutu

Fusillé sans procès

19. Antoine Basita

Tutsi

A connu la prison, puis a été oublié

20. Emile Benyaguje

Hutu

Fusillé sans procès

21. Bitariho Ferdinand

Hutu

Fusillé sans procès

22. Bubiriza Pascal

Hutu

Fusillé sans procès

23. Bucumi Côme

Hutu

Fusillé sans procès

24. Bucumi Emile             

Hutu

Fusillé sans procès

25. Hajayandi Raphaël

Tutsi

Mort naturelle

26. Kagura Zacharie

Hutu

Fusillé sans procès

27. Albin Nyamoya

Tutsi

A été Premier ministre en 1973

28. Ndenzako Léon

Tutsi

Mort naturelle

29. Kiraranganya Boniface

Tutsi

Vit en exil

30. Nicayenzi Zénon

Tutsi

S’est converti en affaires

31. Ndimanya Ignace

Hutu

Fusillé sans procès

32. Ngaruko Léopold

Tutsi

Mort naturelle

33. Ngunzu Pierre 

Tutsi

Exécuté par erreur (on l’a pris pour un Hutu!)

34. Sindabokoka Tite

Tutsi

Oublié

35. Ntiruhwama Jean

Tutsi

Mort naturelle

36. Ntagwarara Antoine

Tutsi

Oublié

37. Nimubona Lorgio

Tutsi

Mort accidentelle

38. Ndikumagenge Salvator

Tutsi

Homme d’affaires

39. Manirakiza Marc

Tutsi

Emprisonné puis oublié après sa libération

40. Mbazumutima Joseph

Tutsi

Emprisonné, puis oublié

Voilà le triste tableau. Après avoir connu les persécutions et la prison avant l’indépendance, ils ont connu les persécutions, la prison après l’indépendance, quand ils n’étaient pas purement et simplement assassinés ou fusillés. Ils ont été remplacés par une classe de gens qui avaient combattu l’indépendance, ou par des personnalités qui n’étaient pas aux affaires à ce moment-là. Ce sont ces personnes qui ont instauré la dictature, le règne à coup de génocides, de mensonges, de pillages du pays. Ce sont les mêmes qui ont refusé le résultat des urnes en octobre 1993. Ce pourrait être un acte d’une vaste tragédie intitulée : « L’indépendance volée ». (page 12) Triste actualité ! « La Patrie reconnaissante… », avez-vous dit ?!

 

 

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Posté par rwandaises.com