Arusha, 17 décembre 2009 (FH) – Les tribunaux gacacas chargés de juger la presque totalité des auteurs présumés du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda devraient terminer leurs travaux en février prochain. Après avoir bouclé plus d’un million de dossiers en moins de 5 ans de procès, ils avaient encore 1.461 affaires pendantes au 8 décembre, selon les chiffres officiels.

 

L’idée de recourir aux gacacas pour vider le lourd contentieux du génocide est née de débats tenus à la  présidence de la République rwandaise de mai 1998 à mars 1999. Ce petit pays comptait alors autour de 120.000 détenus poursuivis pour génocide qu’il fallait nourrir, habiller et soigner. Les « chambres spécialisées » qui avaient été mises en place dans les tribunaux de première instance étaient totalement débordées. A leur rythme, ces chambres auraient eu besoin de 100 ans pour juger les 120.000 dossiers, selon le ministère de la Justice. Sans oublier que d’autres suspects étaient encore libres au Rwanda ou à l’étranger.

 

Il fallait impérativement « penser à un autre système qui permettrait de rendre justice dans un délai raisonnable », écrit dans un rapport le Service national des juridictions gacacas (SNJG).

Après plusieurs débats et consultations, la loi organique portant création des gacacas fut promulguée en 2001. Inspiré des anciennes assemblées villageoises lors desquelles les sages réglaient les différends, assis sur le gazon, le système repose sur trois principes directeurs de base : la catégorisation des auteurs présumés du génocide, la participation de la population et la procédure d’aveux, de plaidoyer de culpabilité et de repentir. De nombreuses critiques, surtout de la part des organisations de défense des droits de l’homme, s’élevèrent alors contre ce système auquel ils reprochaient – et reprochent encore- de ne pas avoir prévu d’assistance juridique pour les accusés. Les autorités rwandaises rétorquèrent qu’il n’y avait pas meilleur avocat que la population appelée à participer aux débats, à témoigner à charge ou à décharge, et à donner des avis.

C’est en mars 2005 que les premiers procès démarrent dans 106 juridictions pilotes sur un total de 12.103, comptant chacune 9 juges bénévoles, des « personnes intègres », désignées au sein de leur communauté et pas nécessairement instruites.

 

Depuis lors, plus d’un million de personnes ont été jugées, selon le SNJG qui affirme être en train de compiler les chiffres en vue d’un bilan plus détaillé.

 

En avril 2008, un amendement a élargit la compétence des juridictions gacacas à la « première catégorie » d’accusés, jusque là jugés par les tribunaux classiques, qui comprend les planificateurs présumés du génocide et les auteurs de viols. Cet amendement prévoit plusieurs exceptions : les « planificateurs au niveau national ou provincial », les dossiers transférés de l’étranger ou du TPIR, et les dossiers ouverts après la fermeture des gacacas demeurent du ressort de la justice classique.

 

Pour les condamnés, une nouvelle loi a introduit en 2004, au bénéfice de ceux qui ont avoué leur responsabilité, les travaux d’intérêt général (TIG) comme peine alternative à l’emprisonnement, dans le souci de désengorger les prisons. Par ailleurs, une grande partie des condamnés l’ont été pour des infractions contre les biens, infractions non punissables d’une peine d’emprisonnement.

 

Domitille Mukantaganzwa, Secrétaire exécutive du SNJG, a déclaré le 11 décembre lors du septième « Dialogue national » qui se tenait à Kigali, qu’il y avait eu 94.466 condamnés aux TIG, dont 11.097 ont déjà terminé leur peine. Regroupés dans des « camps de solidarité », les « tigistes » fabriquent notamment des briques ou des tuiles, construisent des maisons pour des survivants du génocide démunis, aménagent des marais, ou effectuent des activités de lutte contre l’érosion.

 

« Les TIG contribuent au processus d’unité et de réconciliation nationale et à la lutte contre l’idéologie du génocide », s’est réjouie Mme Mukantaganzwa. En procédant à la clôture de ce « Dialogue national », le président Paul Kagame, très critique des modèles occidentaux en matière de résolution des problèmes des pays africains, s’est félicité lui aussi des acquis de la justice gacaca. «Les gacacas nous ont apporté une solution que nous ne pouvions trouver nulle part ailleurs », a affirmé le chef de l’Etat.

Pour Théodore Simburudali, président d’Ibuka, la principale organisation de survivants du génocide, le système a certes abouti à « plusieurs résultats positifs », mais n’a pas permis la manifestation de « la vérité sur la conception et la planification du génocide ». L’autre « question fondamentale » pour les rescapés, est, selon lui, le manque de réparations.

ER/GF

 

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