Malgré les élections de 2006, il n’est toujours pas facile d’être un défenseur des droits de l’homme en République démocratique du Congo. D’après Philippe Hensmans, directeur d’Amnesty International, « la situation est aggravée par la perspective des élections qui doivent se tenir en 2011, par la proximité du 50eme anniversaire de l’indépendance. Les menaces peuvent venir du pouvoir et de ses services de sécurité, mais aussi des groupes armés qui opèrent encore dans l’Est du pays et être suscitées par des collusions d’intérêts économiques».
Invité par Amnesty, Muna Murhabazi Namegabe qui s’occupe à Bukavu de la réinsertion d’enfants soldats donne de l’évolution des droits de l’homme au Congo une vision qui va au delà des constats ponctuels : « il faut rappeler que dans ce pays qui a connu 36 ans de dictature puis quatorze années de guerres qui rappelaient celles de l’Europe au Moyen Age, il n’y a jamais eu d’éducation aux droits de l’homme. De plus, le conflit s’est terminé sans vainqueur ni vaincu, les accords de paix ont été conclus sur le principe de l’impunité…Le dilemme est toujours posé : punir les seigneurs de la guerre afin de décourager les récidivistes, ou ne pas les punir de peur qu’ils ne reprennent les armes… »
Murhabazi rappelle les assassinats toujours non élucidés qui ont endeuillé le Sud Kivu : Frank Kabungulu, un militant de « Héritiers de la Justice », les journalistes Serge Maheshe et Didace Namujimbo, un reporter de Radio Star, les menaces adressées à plusieurs femmes journalistes, tandis qu’Amnesty pour sa part rappelle des cas d’arrestation ou d’intimidation de militants de droits de l’homme au Katanga ou à Kinshasa.
Tout en relevant qu’au Kivu, ceux qui critiquent les opérations militaires actuellement en cours contre les rebelles hutus reçoivent des lettres de menaces, Muhabazi souligne que l’insécurité dans laquelle vivent les militants des droits de l’homme a plusieurs causes : «l’intolérance de la classe dirigeante face aux critiques est une constante dans ce pays. S’y ajoute un système judiciaire en crise, le manque de moyens des officiers de justice…. » Ayant lui-même soustrait des centaines de femmes et d’enfants à l’emprise des groupes armés, c’est sur le terrain que, jour après jour, Muhabazi défend les plus menacés de ses compatriotes. Ce combattant des droits de l’homme au quotidien ne minimise pas les victoires déjà remportées : « chaque décennie, nous avons élargi le champ de nos libertés : la liberté d’association était interdite sous Mobutu, la liberté d’expression était entravée sous Kabila père…Désormais ces libertés existent, associées au multipartisme tandis que le régime actuel a signé tous les traités internationaux relatifs aux droits et libertés. Reste à les mettre en pratique… »Et d’ajouter : « chez nous un proverbe assure que la lumière doit venir de l’extérieur. Si la coopération internationale avait pour politique d’aider le Congo à s’en sortir, les changements pourraient être spectaculaires… »Tout en reconnaissant que la Monuc (Mission des Nations unies au Congo) a joué un rôle important dans la protection des enfants et la défense des droits de l’homme, Muhabazi rappelle cependant qu’au Nord et au Sud Kivu « les fosses communes sont nombreuses, tout le long de la frontière. Nous savons où se trouvent les charniers, ceux de 1996-97, de 1998, des guerres ultérieures. Mais au lieu de nous aider à déterrer les corps, on nous demande de reboucher les excavations…J’espère que nous aussi, nous pourrons un jour, à l’instar du Rwanda, enterrer nos morts dans la dignité, leur donner des sépultures… »

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/02/17/les-difficultes-des-defenseurs-des-droits-de-lhomme/

Posté par rwandanews.be