La route qui mène vers le Mont Ngaliéma a été réparée ; en contrebas, le fleuve déroule ses rapides et la rumeur de la ville est amortie par la verdure. A l’occasion du dernier sommet des pays d’Afrique australe, les grilles de la cité de l’OUA ont été repeintes et les 34 villas remises à neuf. C’est ici, en principe, que seront hébergés les invités de marque qui assisteront au 50ème anniversaire de l’indépendance du Congo. De loin, le commandant L. nous fait admirer la plus belle des demeures, ses murs ocres brillant au soleil, son jardin soigné. Ce vieux militaire qui a connu les fastes du mobutisme précise que c’est ici que l’ancien président accueillit naguère le roi Baudouin. Il espère qu’Albert II à son tour séjournera sur le mont Ngaliéma le 30 juin prochain. Exprimant l’avis de la plupart de ses compatriotes, le commandant L. tient fortement à la présence du roi des Belges : « ce sera un symbole fort, un message moral : la reconnaissance du fait que nous Congolais, malgré les épreuves, nous avons maintenu l’unité de notre pays… »
Pour beaucoup de Congolais en effet, la caution de la Belgique est indispensable : « chaque fois que nous étions en mauvais termes avec les Belges, nous avons connu la guerre, le désordre » poursuit le commandant L, « si les Belges sont avec nous, nous sommes certains que le processus démocratique va continuer … »
Alors que le compte à rebours s’accélère, Kinshasa met les bouchés doubles : jour et nuit, les Chinois aux commandes de leurs lourds engins de travaux publics nivèlent le boulevard du 30 juin, creusent des canalisations. Des équipes dépendant de la mairie nettoient, brûlent les ordures ou les jettent dans des bennes. Tous les hôtels de la place ont entrepris des travaux de rénovation et augmenté leurs prix en conséquences, de nouveaux guest house s’ouvrent tous les jours. Du côté de la gare, où arrivent toujours des trains de marchandise surmontés de resquilleurs en équilibre instable sur le toit des wagons, le changement est spectaculaire : la socle de briques sur lequel s’élevait jadis la statue équestre de Léopold II est désormais planté au milieu d’un énorme cercle ceint de palissades. Le «café de la gare » où se retrouvaient les Kinois branchés n’existe plus et surtout le célèbre « marché aux valeurs » (plus souvent appelé marché aux voleurs) a été rasé. Plus haut sur le boulevard, nous retrouvons les alignements de tableaux naïfs ou de paysages aux couleurs violentes ainsi que les masques, statuettes et autres bijoux de malachite présentés sur des étals de fortune. Mulopwe, le président du « comité des vendeurs du marché Biteko », entouré de quelques anciens, nous explique que « le 12 février dernier, les Chinois sont arrivés avec les bulldozers et nous ont donné quelques heures pour déguerpir. Certes, nous avions été prévenus depuis un an, mais comme nous étions ici, à titre provisoire, depuis 28 ans, nous n’avions pas pris la menace au sérieux.. »
La municipalité de Kinshasa a concédé un nouveau terrain aux vendeurs et Mulopwe s’estime satisfait : « nous avons de l’espace et de l’ombre car ici les arbres n’ont pas encore été coupés… » Lui aussi souhaite la présence du roi Albert II : « voyez le grand immeuble derrière vous, il s’appelle le Royal depuis que le prince Baudouin y séjourna en 1955. La place que nous occupons s’appelle toujours « royale ». Notre rêve, ce serait que la délégation belge s’arrête auprès de nous, pour admirer les œuvres des artistes congolais, cela donnerait un signal à toutes les autres délégations… » A l’instar de tous les Kinois, ces petits vendeurs, qui vivent au jour le jour et chaque soir remballent masques et fétiches sous de grandes bâches de plastique, ne doutent pas de la venue du roi des Belges : « il sait qu’ici, il est chez lui… »

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/03/09/attendant-albert-ii-kinshasa-met-les-bouchees-doubles/

Posté par rwandaises.com