L’ex Afrique  » française », devenue depuis, francophone, « célèbre » son demi siècle d’indépendance avec beaucoup d’amertume. Car ils sont nombreux les africains, qui ressentent encore dans leurs pays respectifs ( Cote d’ivoire, Gabon, Senegal, Togo, Tchad, Congo, Niger…) tout le poids de la présence française. Le système néo colonial, La FRANCAFRIQUE installé et qui perdure avec l’aide, la complicité des gouvernements français de « gauche » et de droite, fait que ces 50 ans n’ont pas suffi libérer totalement l’Afrique de ses tutelles. CCN, publie à titre documentaire la lettre ouverte qu’un sénégalais exilé à Paris, adresse à son président. Cette lettre fourmille d’indications pouvant nourrir notre réflexion de derniers colonisés. Comment ne pas penser aux écrits prophétiques de Frantz Fanon?

« Cher Président »,

Voilà 50 ans que j’ai cru être libre, enfin libre, après le marché triangulaire qu’a subi mes arrières grands-pères, mes grands-pères 14-18, mes papas 39-45, Algérie et Dien Bien Phu, j’ai cru être libre, être indépendant mais cette réalité n’a jamais existé pour le peuple sénégalais.
Depuis les années 60, les sénégalais perdent années après années sur tous les plans, malheureusement dans le monde actuel la dignité d’un être humain est liée à ses moyens de production. Voyant ses capacités diminuer depuis cette soi-disant indépendance, le peuple sénégalais a commencé à perdre ses marques sur les plans moral et culturel. Cette dégradation est due à une mauvaise gestion de notre pays par des soi-disant sénégalais qui ont petit à petit amené leur peuple dans la misère. Monsieur Wade, je tiens à te rappeler notre première rencontre en 1998, quand ceux qui ont cru en toi à l’époque commençaient à faire campagne pour les élections présidentielles de 2000. Nous nous sommes retrouvés à Montreuil dans le 93, rappelles toi bien de ce jour, cette réunion était dirigée par une des sœurs, Mme Khady Sakho-Niang et par un jeune frère que tu as nommé, un an après ton arrivée au pouvoir, ambassadeur en Espagne et il y est encore, je parle d’Abasse N’Dour. Je te cite tous ces points pour bien te rafraîchir la mémoire et te rappeler le contenu de ton discours et ma réponse. Tu t’es venté devant nous d’avoir rencontré Mitterrand, Pierre Mauroy et compagnie, je t’ai interpellé en te disant que si tu es venu du Sénégal jusqu’ici pour nous citer ces gens là, tu peux reprendre ta valise et retourner au pays. Nous sommes venus te rencontrer pour avoir des nouvelles du pays, écouter ce que tu as à nous raconter pour le sortir de la misère. La suite, je pense que maintenant tu t’en rappelles très bien, et cela fait douze ans. Ces douze années là n’on fait que creuser l’étendue de la situation catastrophique de notre cher Sénégal.
J’ai toujours cherché à comprendre d’où vient ce complexe d’infériorité que vous avez vis-à-vis des ressortissants de vos ex-colonisateurs. Senghor, n’en parlons pas, il n’est plus là mais tout le monde sait qui il était. Abdou Diouf se comporte en poltron en tant que président de la francophonie. Et toi avec ta statue qui a couté plus de 20 milliards de francs cfa, pris à un peuple qui crève la dalle, parce que tu as un complexe d’infériorité vis-à-vis de la statue de la liberté, ou de la Tour Eiffel… Décidément, le sous développement est mental. Et les plus atteints sont ceux qui ont connu le colonialisme.
La gifle que tu as reçue de Sarkozy chez toi avec son discours à Dakar montre le mépris que vos chefs ont de vous. Tu oses réunir à Dakar des soi-disant sénégalais de l’extérieur. « Mon cher président », je vais te dire qui sont ces sénégalais de l’extérieur. Les sénégalais de l’extérieur ne peuvent pas venir comme ça, aussi simplement à Dakar, ils sont pour la plupart sans-papiers. Ceux qui ont des cartes de séjour travaillent ou cherchent du travail. La majorité de ceux que tu as reçus à Dakar sont comme toi des double-nationalités, que l’on prépare pour la relève. Tu n’as jamais rien fait pour les sénégalais de l’extérieur. Nous avons connu Debré, Pasqua, Chevènement, sans ton aide, au contraire. Tu as soutenu et aidé le gouvernement de Chirac, de Jospin et aujourd’hui celui de Sarkozy contre tes « compatriotes ». Les sénégalais de l’extérieur sont canardés en Italie, humiliés en Espagne, et se cachent en France. Notre peuple s’est fait massacré en 2005 à Ceuta et Melilla, à la frontière de l’Espagne et du Maroc, j’entends encore leurs cris et leurs témoignages à la radio. L’organisation dont je suis porte- parole, les Damnés de la Terre a été créée lors de cet évènement pour aller vers ces opprimés abandonnés. 72 heures après avoir entendu leurs cris, nous nous trouvions en Espagne pour manifester notre mécontentement, à l’époque nous avions fait des meetings à Bordeaux, Toulouse et Nantes. Jamais nous ne t’avons entendu les défendre. Tu as reçu des chèques pour les récupérer. Tu as profité de leur misère et tu continues à profiter de la misère du peuple sénégalais. Rappelles-toi encore de nous à l’université Paris 9 – Dauphine, quand tu y faisais soi-disant une conférence, nous nous sommes présentés pour demander la libération d’un des nôtre arrêté à Lyon. Après de longs échanges de coups avec la police française qui nous interdisait l’accès de l’amphi où tu te trouvais, tu es sorti en nous disant : « Les enfants, je vous ai entendus », il était aux alentours de 17h, à 20h ce compatriote était libéré, ce qui montre le lien étroit avec tes patrons.
Depuis 50 ans, vous dégradez, vous humiliez, et vous rendez faible le citoyen sénégalais. Aujourd’hui, un nombre inestimable d’entre eux a repris la nationalité française. En clair, ils se sont mis à genoux, ils ont perdu, avalé les revendications dignes et fières de leurs pères à la veille de 1960. De tout ça, les responsables s’appellent Senghor, Diouf et Wade. Aujourd’hui, ce qui serait vraiment juste si votre politique devait continuer, c’est de demander à votre mère patrie, la France, de vous recoloniser pour que tous soient au même pied d’égalité. Votre règne a créé des sénégalais de plusieurs catégories : le mieux loti aujourd’hui, le sénégalais double nationalité, l’immigré bien assis avec une carte de séjour, puis les sans papiers qui ont réussi à fuir et errer dans les villes européennes, et en dernier les peuples qui subissent et cherchent à la moindre occasion de se tirer. Quel échec. Les enfants quittent la bergerie à cause des loups qui s’y trouvent. Aujourd’hui une chose est sure, si on offrirait la nationalité française aux sénégalais restés au pays, ton pays serait vide.
Bientôt 90 ans, dans notre culture et nos mœurs, tu es un père pour moi et pas mal de sénégalais. Tu as des millions d’enfants, pas qu’un, ni deux. J’ai entendu dire de ta bouche qu’Abdou Diouf favorisait son frère, cela te donne le droit de favoriser ton fils ? Cela montre le niveau où tu te trouves et ton mépris pour le peuple sénégalais. Mais celui-ci ne te laisseras jamais imposer ton fils, le Sénégal ne t’appartient pas. J’espère de tout mon cœur que la sagesse prendra le dessus avant qu’il ne soit trop tard. Tu as divisé les sénégalais de l’intérieur et tu commences à diviser ceux de l’extérieur. Pas plus tard qu’hier soir, nous avons appris que des sénégalais qui étaient dans une liste préparée par tes sbires et qui devaient embarquer pour Dakar, ont été débarqué pour laisser leur place à tes soutiens français, qu’ils viennent fêter tes 10 ans de pouvoir, avec toi, le jour de l’indépendance du Sénégal. Comme tu l’imagines, les débarqués l’ont très mal pris et je te laisse imaginer la suite.
De grâce, encore une fois, le peuple sénégalais n’a jamais connu cette tension que sous ton règne. Une chose est certaine, le Sénégal peut compter sur ses enfants de l’intérieur comme de l’extérieur, il a des filles et des fils qui l’aiment très fort et qui lutteront pour qu’il retrouve toute sa splendeur, sa joie de vivre et sa beauté.
Le peuple sénégalais vaincra !

Bamba Gueye Lindor

Par Bemba Gueye Lindo 06.04.2010 l 15h36
Paris. Lundi 5 avril 2010.CCN.

 

 

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