La France reconstitue- t- elle son ancien empire ? Nicolas Sarkozy réactive-t-il les leviers de la Françafrique ? Ou alors les nouveaux contours du néocolonialisme se dessinent-ils ? Ces questions et bien d’autres, analogues, brûlaient les lèvres des journalistes qui ont couvert, jeudi, 1er avril 2010, une conférence de presse organisée au Centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE) à Paris. En effet, Jacques Toubon, ancien ministre de la Justice en France, tout fraîchement intronisé par le président de la République française, de façon unilatérale, réunit plusieurs diplomates des pays concernés et la presse pour annoncer que l’Hexagone célèbre dès ce 1er avril, le cinquantenaire des indépendances de toutes les anciennes « colonies françaises d’Afrique ».

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L’hôte du jour annonce également de manière cavalière que cette commémoration s’articule autour d’un sommet françafrique (banni en 2007 par Sarkozy lui-même, Ndlr), prévu pour fin mai à Nice et le défilé du 14 juillet prochain qui connaîtra la participation des troupes venues des anciennes colonies. Ce défilé sera précédé, ajoute-t-il, la veille d’un « sommet familial » qui réunira Nicolas Sarkozy et les quatorze chefs d’Etats concernés. Objectif, selon l’ancien Garde des Sceaux, « assumer, expliciter et rénover la relation » entre la France et l’Afrique.

Le hic, c’est qu’aucun représentant des pays concernés n’est assis à la tribune. Aucune figure de la société civile ou de représentants officiels non plus. Pourquoi faire ? « Je parle moi, en tant que secrétaire général du Cinquantenaire du point de vue qui est celui de notre gouvernement (français, Ndlr) », assène Jacques Toubon, en réponse à la question d’un journaliste qui l’interroge sur ce qui ressemble à un diktat de la France. Une absence qui traduit toute l’ambiguïté de cette initiative voulue par le président français, Nicolas Sarkozy, mais diversement appréciée par les parties intéressées. C’est allant dans ce sens que des associations de la diaspora africaine ont dénoncé durant tout le week-end pascal, « les bases d’une deuxième colonisation de l’Afrique ». Une autre frange, plus remontée se dit « déçue par Sarkozy qui avait annoncé la rupture d’avec les réseaux de la Françafrique et partant, des sommets éponymes ».

Au même moment, des hauts cadres du ministère camerounais des Relations extérieures craignent sous cape, un sommet qui pourrait accoucher des décisions qui déblayeraient le chemin pour une mainmise subtile de la France sur les richesses africaines. Selon Sékou Diallo, expert en géostratégie guinéen, on pourrait assister à « une recommandation de l’acabit du sommet de La Baule » en 1990 où Mitterrand imposait alors le multipartisme à « ses meilleurs élèves ». A travers son blog, cet enseignement guinéen prévient que maintenant que plusieurs accords militaires et économiques (de dupes, Ndlr) scellés au lendemain de la proclamation des indépendances ont été remis à plat, « Sarkozy qui se veut gaulliste, pourrait redéfinir un autre plan impérialiste ».

De gros moyens déployés

Tel un père qui se fait du souci pour les ennuis de son fils, la France annonce que ses anciennes colonies (Cameroun, Togo, Burkina Faso, Madagascar, Congo Brazzaville, Bénin, Niger, Côte d’Ivoire, Tchad, République centrafricaine, Gabon, Sénégal, Mali et Mauritanie) conviées à « la grande fête », ne débourseront pas le moindre kopeck pour ces cérémonies qui s’annoncent grandioses. A contrario, l’Hexagone va financer les 250 projets en gestation pour une enveloppe globale de 16,3 millions d’euros (environ 10,6 milliards de Fcfa), gérée par les différentes administrations qui participent aux événements liés à ces célébrations (ministère des Affaires étrangères, Agence française pour le développement, Cultures France, etc.). « On ne va pas demander de l’argent aux pays africains, c’est le contraire », assure Jacques Toubon.

Aucune réaction officielle des dirigeants des pays concernés n’a encore été enregistrée. Seul le discours d’Abdoulaye Wade, le président sénégalais qui a effleuré le sujet au cours de son message à ses compatriotes, à la veille de la fête nationale aborde fébrilement le sujet. Il soulignait que les Africains comptaient bien organiser sur place leur fête : « Chaque pays qui célèbre son indépendance cette année sera accompagné des autres et de la France en dehors du défilé du 14 juillet à Paris ». Paul Biya s’est fait représenter à Dakar par Luc Ayang. Signe d’une frêle résistance opposée à Sarkozy qui réactive la Françafrique avec force ? Voire.

Rodrigue N. TONGUE

 

 

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Posté par rwandanews.be