Qui, en 2001, aurait pu prévoir que le jeune officier sans expérience politique, qui succédait à son père assassiné, serait encore au pouvoir neuf ans plus tard ? A l’époque, Joseph Kabila était considéré comme un intérimaire. Aujourd’hui, le président congolais a pris de l’épaisseur. Il été élu en 2006 avec 58% des voix et son autorité est incontestable. Cependant, il n’a toujours pas désarmé les sceptiques et les critiques. Réponse à quelques questions.

Comment Kabila a-t-il consolidé son pouvoir ?

En 2001, le Congo est en guerre, divisé, occupé par des troupes étrangères. Le jeune chef d’Etat ne cache rien de sa faiblesse et sa bonne volonté séduit les Occidentaux, dont Louis Michel. En 2002, les négociations menées à Sun City en Afrique du Sud débouchent sur un pacte surprenant : le départ de toutes les armées étrangères et la réunification du pays auront comme contrepartie le partage du pouvoir, selon une formule inédite, « un plus quatre ». Kabila, qui a dit à ses négociateurs qu’ils « devaient penser au pays plus qu’à sa personne » reste président en titre, mais il partage son pouvoir avec quatre vice-présidents. Deux d’entre eux sont issus de mouvements rebelles, Jean-Pierre Bemba supervise l’économie, Azarias Ruberwa est en charge de la Défense et de la sécurité. L’accord prévoit aussi d’intégrer dans l’armée nationale tous les groupes armés, dont les forces rebelles, qui bénéficient d’une sorte d’amnistie.
« Jusqu’à la date des élections, en 2006, le Congo est placé sous une sorte de semi-tutelle internationale, ce que Mobutu n’a jamais connu » remarque Gauthier de Villers, ancien directeur du CEDAF(Centre d’études africaines, Bruxelles). Kabila justifie sa prudence et sa discrétion en assurant « qu’il est celui qui porte les œufs » et que son objectif est de mener le pays aux élections démocratiques.  
En 2006, la nouvelle Constitution prévoit un pouvoir semi-présidentiel : le président doit composer avec un Premier Ministre dont le gouvernement doit disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale. Si Kabila l’a emporté au deuxième tour contre son adversaire Jean-Pierre Bemba, c’est en concluant des alliances entre son bloc (AMP, Alliance pour une majorité présidentielle) et deux autres formations, UDEMO (Union des démocrates mobutistes de Nsanga Mobutu) et PALU (parti lumumbiste unifié) d’Antoine Gizenga. Autrement dit, le pouvoir est partagé. « Kabila consolide alors sa position, avec l’appui résigné de la communauté internationale » poursuit Gauthier de Villers.
Ce partage du pouvoir est théorique. En réalité, relève le politologue Jean Omasombo (Institut africain, Bruxelles) «c’est la volonté du président qui devient prépondérante… Lorsqu’il s’est agi de former le deuxième cabinet, toujours sous la direction du Premier Ministre Muzito, c’est le chef de l’Etat lui-même qui a décidé des nominations. » Le professeur Jean Claude Willame confirme qu’en fait, «l’exécutif congolais n’a jamais pu fonctionner comme un véritable contrepoids à la présidence de la République ; les deux Premiers Ministres n’ont jamais eu de véritable carrure politique ».
Omasombo souligne aussi que «la présidence s’est impliquée dans les nominations des gouverneurs de province et elle intervient dans les tensions qui surgissent au niveau régional ». Au fil du temps, la « présidence » s’est confirmée comme étant le véritable centre du pouvoir, une sorte de gouvernement parallèle, dont les membres avancent ou reculent suivant la volonté du chef…

Autour de Kabila, qui sont les hommes forts ?

« L’entourage est partagé entre les Katangais et les Kivutiens, surtout les originaires du Maniéma » relève Omasombo. Les originaires de l’Ouest et de l’Equateur se retrouvent dans d’autres institutions, le Sénat entre autres. A la droite du président, l’ancien gouverneur du Katanga, Augustin Katumba Mwanke a longtemps tiré les ficelles et assuré les financements du système. C’est par lui que passent les circuits de l’argent. Peu apprécié par les Occidentaux, parfois présenté comme le paratonnerre de Kabila, cet homme taiseux et travailleur est branché sur la Chine, l’ Afrique du Sud, les nouveaux partenaires économiques.
A la gauche du chef, le nouveau conseiller spécial en matière de sécurité est Pierre Lumbi, originaire du Maniéma. Ancien ministre des Infrastructures, il a conclu les contrats chinois (dix millions de cuivre contre neuf milliards d’investissements aujourd’hui réduits à six) pour se donner les moyens de réaliser les cinq chantiers. « Avant de se présenter pour un deuxième mandat, le président voulait prouver à ses électeurs que la reconstruction du pays avait commencé. Puisque les Occidentaux tardaient à s’engager, je me suis tourné vers les Chinois » explique Lumbi avec pragmatisme. Inspecteur général de la police, le général John Numbi est considéré comme l’un des hommes forts et c’est à ce titre qu’à Kigali il négocia avec le chef d’Etat major James Kabarebe les premières opérations militaires menées conjointement avec l’armée rwandaise. Seul un Katangais pouvait se permettre de prendre un tel virage à 180 degrés, qui suscita l’hostilité du Kivutien Vital Kamerhe. En raison de son opposition aux opérations militaires, Kamerhe dut alors céder son poste de président de l’Assemblée nationale au Kasaïen Evariste Boshab, juriste et professeur d’université, formé en Belgique. Sous ces deux présidences, celle de Kamerhe et celle de Boshab, l’ Assemblée a abattu un travail législatif considérable, votant des lois importantes, sur la décentralisation, l’indépendance de la justice, la révision des contrats miniers, l’octroi des marchés publics…Les députés ont pris leur rôle au sérieux, mais sans oublier de voter à leur profit des émoluments tellement substantiels qu’en janvier dernier, Kabila récusa le budget présenté et demanda aux élus de donner priorité au social. Le bilan législatif n’impressionne pas Willame, qui relève que « ces lois ont rarement été mises en application par l’exécutif… » Au grand dam des anciens partisans de Kabila père, qui se sont sentis trahis, et des nationalistes de toutes obédiences, de nombreux anciens mobutistes ou ex-rebelles se sont ralliés au président : Thambwe Mwamba, Ministre des affaires étrangères était mobutiste puis membre du RCD, Olivier Kamitatu, ministre du Plan et gérant les financements internationaux, était le lieutenant de Jean-Pierre Bemba, Lambert Mende, ministre de l’Information, passa par le RCD Goma. Antippas Mbusa Nyamwisi, venu du RCD-ML, ministre des affaires régionales, représente les puissants Nande du Nord Kivu, José Endundo, ministre de l’Environnement, est originaire de l’Equateur et fut lui aussi à la fois mobutiste et rebelle. Parmi ces ralliés de la 25eme heure, des hommes comme Mende ou Tambwe se montrent quelquefois plus « kabilistes » que l’intéressé lui-même…
Discret, contrôlant de nombreux réseaux d’influence, l’ancien premier ministre de Mobutu, Kengo wa Dondo, préside le Sénat. D’après la Constitution, au titre de deuxième personnage de l’Etat, il succéderait automatiquement au président en cas de disparition de ce dernier.
A ces personnalités qui évoluent sur le devant de la scène s’ajoutent, dans les coulisses, les influences familiales : la mère du président, « Maman Sifa » garde une grande autorité. Le nom de Joe frère cadet et quasi sosie de Joseph est de plus en plus cité dans des affaires douteuses, la sœur jumelle Jaynet préside la fondation Mzee Laurent Kabila et est active dans des associations humanitaires. A cette famille nucléaire s’ajoutent les innombrables oncles et cousins, vrais ou faux et souvent ingérables. Opérant généralement au Katanga, ils se prévalent de leur parenté, réelle ou supposée avec le chef de l’ Etat pour justifier des passe droits et se présenter aux hommes d’affaires comme des intermédiaires obligés…et coûteux…
« Il n’y a pas de reproduction du système Mobutu, qui était comme une araignée, au centre d’une toile tissée par d’autres » relève Gauthier de Villers « mais il n’y a pas non plus de vrai changement de la culture politique. On assiste à un renforcement des centres locaux du pouvoir, une sorte de « patrimonialisme décentralisé » où les anciens chefs de guerre se sont associés aux milieux d’affaires ».

Quel est le style du président ?

« Kabila n’est pas autoritaire comme l’était Mobutu, avec qui il n’était pas question de discuter…» assure Omasombo, « il n’exerce pas d’autorité directe mais agit via des intermédiaires et au fil du temps se révèle un fin politique, maîtrisant bien tout l’échiquier ». Le président cultive la discrétion, voire le silence. « Lorsqu’on lui soumet une idée, il ne dit pas non tout de suite. S’il se contente de murmurer « je te téléphone » on sait que c’est mal parti », relève un collaborateur. Parfois, lorsqu’il le faut, Kabila monte en ligne : pour obtenir des députés qu’ils obtiennent la démission de Vital Kamerhe, qui refusait de quitter son poste à l’Assemblée nationale, le président convoque les élus de l’AMP « sur ses terres », dans sa ferme proche de Kinshasa. A la fin de la réunion, il leur lâche brutalement « si vous ne votez pas, je dissous l’Assemblée et vous vous retrouverez au chômage ».
La lenteur est l’un des principaux défauts de la « gouvernance Kabila » : « je mets du temps à me décider, parce que je veux être juste, tenter de juger les hommes sur leurs actes et non sur des « on dit »» assure l’intéressé. « Il n’est pas sûr de lui, n’ose pas trancher rapidement» explique un ministre provincial. Un militant des droits de l’homme ajoute : « comme avec beaucoup de conseillers ou de ministres, il a partagé des affaires, il lui est difficile de se débarrasser d’eux… »
Aime-t-il l’argent ? A-t-il besoin de moyens financiers pour sa jouissance personnelle, ou pour asseoir son pouvoir ? Ses adversaires et même des amis politiques en sont persuadés : Kabila aime les affaires, il a besoin d’argent. « Mais il ne touche pas au secteur minier, dit un proche, il préfère la terre, l’ immobilier. » De fait, le ministre Vanackere a été accueilli, au sud de Lubumbashi, dans la « ferme de l’Espoir » une propriété de 300 hectares. « L’autre ferme, celle de N’Sele, près de Kinshasa, est plus belle encore » nous confie un confrère de la presse présidentielle. A Kisangani, Goma, Bukavu, Kalemié, la rumeur assure que « la présidence », c’est à dire Katumba Mwanke ou « Maman Olive » l’épouse du président, ont acheté un terrain ici, fait construire une villa là bas…Mais comment passer de la rumeur à la certitude ?
Ce qui est certain c’est que Kabila, qui ne prend guère de vacances et a peu de loisirs, à part un jogging matinal le long du fleuve ou quelques randonnées en voiture ou en moto, utilise l’argent pour consolider son pouvoir ou régler des problèmes particuliers. « Il m’a fait confiance et a financé lui-même l’opération « des armes contre des tôles » ou « des armes contre des vélos » assure le pasteur Mulunda Ngoy, qui a mené avec succès des opérations de collecte d’armes à Lubumbashi, Kinshasa et au Kivu, mal vues par la Monuc qui se faisait « dribbler ». A tout moment, à l’instar de Mobutu ou d’autres chefs d’Etat africains, « la présidence » est sollicitée pour régler des problèmes de transport, de frais médicaux. Comme ces montants ne sont pas budgétisés, des mésaventures sont possibles : un conseiller s’est fait éconduire parce que, chargé de transmettre une enveloppe à la fille d’un ancien homme politique, il y avait prélevé quelques milliers de dollars. Lorsque la bénéficiaire envoya un SMS au président pour le remercier de la somme reçue, ce dernier vit que le montant initial avait été amputé durant le transport…
Si la croissance économique se confirme (2,9%) elle demeure plombée par la faiblesse du secteur formel : « 16 milliards de dollars circulent en dehors du circuit bancaire » relevait récemment un rapport du Sénat. Autrement dit, l’argent circule de la main à la main, ou est transféré via Western Union, qui a ouvert des agences dans toutes les villes. Mais surtout, le relèvement de l’économie est hypothéqué par la corruption générale du système. « Même pour obtenir une audience avec le chef de l’Etat, il faut payer les intermédiaires» constate un homme d’affaires, qui se demande si l’intéressé est au courant de ces pratiques…
« Il devrait frapper son entourage ; si l’exemple ne vient pas d’en haut, on n’avancera pas » assure un observateur kinois. Dans la capitale d’ailleurs, les « tracasseries » se multiplient, où policiers et militaires tentent d’extorquer « un café » dans le meilleur des cas, ou une amende, plus ou moins salée selon la tête (blanche ou noire..) du client, avec à leur décharge le fait que bien souvent ils n’ont pas été payés.
Au milieu de ces «écuries d’Augias », de ce pays miné par la corruption à tous les niveaux, Kabila tente parfois de faire le ménage. Il proclame « tolérance zéro » face aux méfaits des militaires, vient de remplacer 300 magistrats et d’en promouvoir 2000 autres, dont 1000 seront immédiatement opérationnels. Mais s’abstient-il lui –même de demander au gouverneur de la banque centrale, l’inamovible Jean-Claude Masangu, de consentir à des décaissements non programmés ? Tout Kinshasa se répète une anecdote qui en dit long, où deux escrocs, imitant la voix et l’accent du président, ordonnent au gouverneur de leur livrer une somme importante. Méfiant, Masangu finit par leur tendre un piège et les démasquer…

Le commandant en chef de l’armée est il responsable des exactions commises par ses troupes ?

Issue des accords de Sun City, l’armée affichait, en 2003, quelque 340.000 hommes : des vétérans de l’armée de Mobutu, parmi lesquels des officiers bien formés et de vieux soldats méritant la retraite, des rebelles venus du Kivu, de l’Equateur, de la Province Orientale des Mai Mai du Kivu, des enfants soldats. Et aussi quelque 100.000 soldats fantômes, dont les commandants déclaraient l’existence et percevaient la solde, mais n’existaient que sur papier…
Des commandants de forces rebelles se sont retrouvés à de hautes fonctions, comme le général Amisi, un ancien compagnon de Nkunda, aujourd’hui commandant de l’armée de terre et… très fortuné président du club de football Vita Club. L’an dernier encore, le général Bosco Ntaganda, le bras droit de Laurent Nkunda, a été placé à la tête des opérations militaires au Kivu après avoir désavoué le chef rebelle. Refusant d’exécuter le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, Kabila déclarait : « pour le moment, je préfère la paix à la justice ». Un an plus tard, Bosco Ntaganda a perdu beaucoup de son autorité et une arrestation éventuelle ne représenterait plus un casus belli.
La réforme du secteur de sécurité prévoyait le dénombrement des effectifs réels, la démobilisation, le brassage des militaires de diverses provenances, la création de forces de réaction rapides et, parallèlement, le cantonnement des unités brassées dans des casernes. La Belgique, l’Afrique du Sud, l’Angola et aujourd’hui les Américains, à Kisangani s’engagèrent dans la formation des nouvelles unités intégrées, mais l’efficacité des troupes a toujours été proportionnelle au versement des soldes, insuffisant et souvent irrégulier. Les 18.000 hommes de la garde républicaine, autrefois appelée garde présidentielle, plus efficaces et mieux formés, sont quelquefois considérés comme la milice privée du président.
Les opérations militaires menées au Nord et au Sud Kivu, qui forcèrent de nombreux Hutus à regagner le Rwanda (plus de 2000 en un an) furent unanimement critiquées par la « communauté humanitaire ». « La guerre est loin d’être terminée » assure Oxfam, qui dénonce, comme Amnesty et Human Rights Watch, les agressions, viols et extorsions commis par les nouvelles unités intégrées où se retrouvent d’anciens Mai Mai et des hommes de Nkunda, tandis que les rebelles hutus rwandais des FDLR se livrent également à des représailles.

Kabila est-il violent ou non violent ?

« Pour tenter de régler le problème posé par les FDLR, il a d’abord essayé la négociation, et a demandé l’aide de la communauté romaine de Sant’Egidio » relève le Jésuite Rigoberto Minani, l’un des négociateurs. « Ce n’est qu’en dernier lieu qu’il recourt à la force ».
Au lendemain des élections de 2006, le jeune homme conciliant laisse cependant tomber le masque. Lors de sa prestation de serment, il annonce « la fin de la récréation ». Trois mois plus tard, les milices que son rival Bemba refusait de désarmer à Kinshasa sont dispersées au terme de trois jours d’affrontements qui feront des centaines de morts parmi lesquels de nombreux civils. La garde présidentielle, au cœur de la Gombe, le quartier résidentiel, tire à l’arme lourde, même des ambassades sont touchées. Bemba s’enfuit, Kin la frondeuse est traumatisée par les cadavres jetés sur le Boulevard et que nul ne ramasse: « Il est bon que les Kinois à leur tour découvrent le visage de la guerre » déclare un conseiller de Kabila. « Usage excessif de la force » dénoncent les défenseurs des droits de l’homme et les Nations unies, dont les Casques bleus ne sont pas intervenus.
Lorsque la secte Bundu Dia Kongo, dans le Bas Congo, s’attaque à de symboles de l’autorité de l’Etat (des policiers sont brûlés vifs, des municipalités détruites), ce début d’insurrection est suivi de près par le Congo Brazzaville et l’Angola, qui redoutent le réveil de l’irrédentisme kongo. Raus Chalwe, commandant de la police et vieux compagnon de route du père Kabila, assure qu« il s’agissait de mater une insurrection » et fait donner la troupe. Les morts se compteront par centaines.
Contre ceux qu’il considère comme des ennemis personnels, le « chef » a la dent dure.
Reconnus coupables de l’assassinat du père du président, Laurent Désiré Kabila, et condamnés à mort par la Cour Militaire, 52 détenus, dont l’ancien conseiller spécial Nono Lutula, sont toujours détenus à Makala dans des conditions très difficiles et espèrent une amnistie à l’occasion du 30 juin. Firmin Yangambi, un avocat de Kisangani, militant des droits de l’homme, qui avait voulu se présenter aux élections présidentielles, a été accusé de vouloir préparer un coup d’Etat et est lui aussi condamné à mort. Depuis sa prison, il clame son innocence et nous écrit : « la vraie raison de ma condamnation, c’est que j’ai défié le président, il m’a considéré comme un rival…». Sait-il que, durant plus d’un an, c’est Kabila lui-même qui l’a piégé, le faisant suivre par son aide de camp personnel jusqu’à ce que l’avocat soit découvert en possession d’armes et de Motorola ?

Qui est de taille à s’opposer à Kabila ?

Le départ de Jean-Pierre Bemba pour la Haye, où il est entre les mains de la Cour pénale internationale, a décapité l’opposition officielle. L’ancien « chairman » demeurant en contact avec ses partisans, le MLC n’a pas encore présenté de relève et son secrétaire général François Mwamba est jugé peu offensif pour le pouvoir. L’UDPS, le parti de Tshisekedi compte revenir dans le jeu politique, mais son leader étant très malade, elle n’a pas encore présenté de relève. Depuis les Etats Unis, le docteur Kashala assure qu’il se présentera comme candidat à la présidence, mais aura-t-il les moyens d’affronter les réseaux du président ? En 2006, il n’avait même pas été autorisé à mener campagne en province…
Au sein du camp présidentiel, un « challenger » potentiel comme Moïse Katumbi, le très populiste gouverneur du Katanga, assure que, s’il n’a pas quitté la politique d’ici là, il se réserve pour « le tour suivant »et fera tout pour qu’en 2011 Kabila obtienne un second mandat. Quant à Vital Kamerhe, ancien brillant président de l’Assemblée nationale, qui mena campagne pour Kabila en 2006, il est à présent sur la touche. S’il n’a pas les moyens de concourir en 2011, il se réservera lui aussi pour le tour suivant.
Les élections, prévues pour 2011, auront elles lieu ? « Rien ne se prépare » redoute Jean Omasombo, « on se demande même comment seront organisées les élections locales » Pierre Lumbi, conseiller spécial du président, ne partage pas ces inquiétudes : « les élections auront lieu à la date prévue, on ne change pas les règles du jeu pendant le match, il faut que la démocratie prenne racine ? » Le politologue Bob Kabamba (ULg)confirme : «le Congo va trouver de nouvelles sources de financement, comme les redevances téléphoniques, les élections auront bien lieu comme prévu… »
Le directeur du Potentiel, Freddy Mulumba l’assure : « les titres se multiplient, la presse est vraiment libre d’écrire ce qu’elle veut… »…Les associations professionnelles de journalistes, comme Journalistes en danger relèvent cependant que plusieurs journalistes, dont deux journalistes de Radio Okapi à Bukavu, ont été assassinés par des « hommes en armes », qu’à Beni un cameraman vient d’être abattu à bout portant, que d’autres confrères sont intimidés par des SMS, des appels téléphoniques, que le signal de RFI a été coupé par le ministre de l’Information Lambert Mende…La plupart des observateurs et des militants des droits de l’homme estiment que le pouvoir se resserre et se durcit ; « On se demande si Lambert Mende, ministre de l’Information et porte parole du gouvernement, n’est pas chargé de traduire tout haut ce que penserait Kabila » se demande Jean Omasombo. Mende ne se prive pas : il fustige Human Rights Watch qui critique le comportement de l’armée, s’en prend aux organisations de la société civile congolaise qui regrettent déjà le départ programmé de la Monuc.
En janvier, Kabila l’avait promis : en plus de voir se développer les grands chantiers de la reconstruction, 2010 sera l’année du social. Il y a urgence en effet : 80% de la population vit avec moins de un dollar par jour, le budget de l’éducation ne dépasse pas 7,5% des dépenses de l’Etat, le pays ne compte que 11 médecins pour 100.000 habitants. Dans les hôpitaux, les familles des malades paient le personnel et les médicaments. Les mauvais payeurs, des malades guéris, des accouchées qui n’ont pu payer la sage femme, sont retenus en otages, quelquefois durant des semaines, jusqu’à ce que la famille réunisse la somme nécessaire. Dans ce secteur aussi, Kabila compte sur l’aide chinoise : l’un des plus grands hôpitaux d’Afrique va être construit à Kinshasa, 145 centres de santé devraient voir le jour.
Si le social reste à la traîne, les nouvelles routes contribuent déjà au relèvement du commerce : désormais reliée à l’Ouganda, Kisangani renaît, une autoroute mène de Lubumbashi à la frontière zambienne, cinq heures suffisent, depuis Kinshasa pour gagner le Bandundu. Partout ces nouveaux axes de communication suscitent des vocations commerciales et à Bukavu, un homme nous assure : « je voterai Kabila, car il est le seul à avoir construit quelque chose, il faut le laisser continuer…»
A l’occasion du 50ème anniversaire, le président refuse les grandes fêtes et recommande l’introspection : «il veut que nous fassions un bilan, d’où nous venons, ce que nous avons fait »explique le cinéaste Balufu Kanyinda, qui ajoute : « c’est une chance pour nous que Joseph Kabila, qui a connu l’exil en Tanzanie, n’a jamais été un « Zaïrois », contaminé par le mobutisme. »
Puisse-t-il ne pas être abusé par les courtisans qui le traitent déjà de « raïs » et ne jamais être le président-fondateur du « kabilisme »…

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Posté par rwandanews.be