Par Vincent Hugeux,

Le document fait état d' »actes de génocide » perpétrés par des Hutus rwandais en République démocratique du Congo.

Chantage, anathèmes, colères théâtrales: la tempête déchaînée par la diffusion le 1er octobre, soit un mois après la date initialement retenue, d’un rapport onusien consacré aux atrocités commises entre 1993 et 2003 sur le territoire de l’actuelle République démocratique du Congo (RDC) tend à escamoter ses enjeux essentiels. A savoir l’exigence de vérité historique et le refus de l’impunité. 

De quoi parle-t-on? D’un pavé de 555 pages détaillant le « mapping » – la cartographie – des exactions fatales aux Hutus rwandais réfugiés dans l’ex-Zaïre. Un inventaire minutieux et glaçant des 617 épisodes recensés, adossés à 1500 documents, 1280 témoignages et 200 contributions d’ONG. Le document fait état de « crimes de guerre », de « crimes contre l’humanité », voire d' »actes de génocide ». 

Rien de nouveau sous le soleil d’Afrique centrale. Dès 1997, le Chilien Roberto Garreton, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme au Zaïre, avait recouru à une terminologie identique. Laquelle a le don de déclencher la fureur du Rwanda, principal accusé, et des autres pays incriminés, à commencer par l’Ouganda. « Malveillant, choquant, ridicule, absurde », tonnent Paul Kagamé et les siens, convaincus que l’ONU cherche seize ans après, avec un zèle suspect, à couvrir ce qui fut son naufrage à l’heure du génocide antitutsi de 1994. 

Il faudra une visite surprise à Kigali du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et la promesse d’inclure en annexe les objections de ses hôtes, pour persuader le pays des Mille Collines de rengainer sa menace: le retrait des 3550 soldats de la paix déployés au Soudan. 

Tragédie fondatrice, le drame de 1994 constitue le socle idéologique du régime autocratique de Kagamé. C’est pour avoir mis un terme à cet abject holocauste que le Front patriotique rwandais (FPR) a conquis les commandes d’un pays charnier. Sans doute ses leaders considèrent-ils que la reconnaissance des massacres ultérieurs de fuyards hutus saperait leur légitimité. A tort. 

Une cour mixte congolais-étrangers?

Un tel aveu les grandirait au contraire. A une condition toutefois: que cette « concession » ne vienne pas alimenter la thèse inepte du double génocide chère aux révisionnistes. Proclamer un match nul dans l’horreur équivaut à nier l’unicité du projet d’extermination des cerveaux et des tueurs du Hutu Power. 

Le rapport décrié n’est pas en soi un acte d’instruction, mais un outil. C’est à la future juridiction compétente qu’il reviendra de statuer sur la qualification que requièrent les faits énoncés. Quelle juridiction? Bonne question. 

La Cour pénale internationale (CPI) ne peut traiter que les crimes accomplis depuis le 1er juillet 2002. Lent et lourd, le Tribunal d’Arusha pour le Rwanda a tracé les limites des instances ad hoc. Reste l’hypothèse, privilégiée par l’ONU, d’une cour mixte composée de magistrats congolais et étrangers. Formule récusée pour l’heure à Kinshasa, où l’on prétend contre l’évidence que la justice locale, pourtant sinistrée, est en mesure de s’acquitter d’une telle tâche.

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/rwanda-congo-le-rapport-de-l-onu-derange_927587.html

Posté par rwandaises.com