Réciprocité. La France a mis fin il ya quelques jours, aux activités de l’Ambassadeur ivoirien Pierre Kipré, au motif qu’un autre nommé par un individu qui n’a aucune emprise sur le pouvoir à Abidjan en a choisi un autre. Abidjan a donc réagi comme il est de coutume depuis la révocation des Ambassadeurs canadien et anglais, au nom du principe de réciprocité que les autorités ivoiriennes appliquent dorénavant à tout pays tentant de remettre en cause l’indépendance et la souveraineté de la Côte d’Ivoire.

Ainsi, l’Ambassadeur Jean-Marc Simon a été viré. Notre pays ne le reconnaît plus comme diplomate accrédité auprès de lui et le somme, en conséquence, de quitter notre pays. Celui que les journalistes de Paris-Match présentaient, il ya peu, comme le barbouze ayant arpenté toutes les terres de guerre au Tchad, en Rdc et en Afghanistan ira donc faire un tour ailleurs. En attendant, il subit ainsi son premier revers sur le sol africain où généralement l’Occident ne prévoit aucune défaite.

Coups tordus. L’Elysée avait, en effet, espéré tirer profit de ses funestes expériences de spécialistes en coups tordus pour faire partir Gbagbo. Il devra attendre à Paris l’issue de cette confrontation que les Français ont tort de croire gagnée à l’avance. A moins d’être victimes de leur arrogance habituelle et de leur prétendue supériorité.

Cela dit, de cet épisode qui va sans doute fortement marquer les relations entre les deux pays, on peut rapidement tirer quelques leçons. D’abord, la France n’est pas un pays ami. Ma génération à moi a été nourrie à ce précepte par un Houphouët-Boigny finissant et un Henri Konan Bédié totalement dépassé par les événements. Or même à ceux-là, la France n’a pas garanti le pouvoir.

Ensuite, on peut s’étonner que le fossoyeur de cette relation soit celui qu’on croyait apte à aider à son épanouissement. Nicolas Sarkozy est en effet, un jeune Président qui n’est pas né sous l’astre du double héritage colonial et françafricain. Au demeurant, on le croyait, lui au moins, suffisamment entré dans l’histoire pour savoir ce que signifie, principalement pour la France, les relations entre les deux pays.

A-t-il le profil de l’emploi ? Enfin, on peut, à l’aune de cette crise qui suit son cours, s’interroger sur les qualités de chef d’Etat de ce monsieur d’ordinaire si agité et étrangement prisonnier de ses humeurs. Ceux qui ont eu la possibilité de rencontrer Jean-Marc Simon ces dernières semaines savent à quel point la crise post-électorale est devenue dans l’entendement de Nicolas Sarkozy une affaire d’égo, furieux qu’il est que Laurent Gbagbo qui n’est qu’un Président noir, lui tienne tête. Comme si notre destin sous Sarkozy était de redevenir de bons Nègres, prêts à ramper aux pieds du maître blanc ! On subodore déjà de quel amour il aimera celui qu’il tente d’imposer aujourd’hui, à la Côte d’Ivoire. 

La radicalisation. Bref, Nicolas Sarkozy continue de tirer sur la corde en ignorant totalement les risques dune radicalisation en Côte d’Ivoire. D’abord, il croit qu’il nous fait peur parce que son pays est une puissance militaire. Il croit que nous ignorons la réalité de la situation, à savoir que Paris est une puissance moyenne qui devrait avoir le courage de déclarer faillite pour se faire aider par le Fmi et l’Union européenne. Elle n’est donc pas en mesure de financer une guerre au-delà de ses frontières et est même incapable d’embarquer le monde entier dans une guerre contre notre pays, parce que la France n’en a pas le rang et les moyens.

Ensuite, Sarkozy est persuadé que la Côte d’Ivoire n’a pas intérêt à cracher sur sa relation avec la France parce que comme tous les ressortissants de l’espace francophone, les Ivoiriens, notamment les jeunes, ont besoin de la France pour avoir ce que leur pays ne peut leur garantir. Il ne sait pas à quel point les Africains se sentent humiliés par le ressac des mouvements de reconduite systématique des immigrés aux frontières.

Pour qui sonne le glas ? Enfin, les Ivoiriens savent que la France n’a aucune richesse dans son sol et qu’il suffit, par exemple, que le Niger ferme son uranium à Areva pour que la technologie française en matière de construction de centrales nucléaires soit un lointain souvenir; que le Gabon se réveille un jour en jetant aux orties le bongoïsme pour que l’Hexagone n’ait pas une goutte de pétrole à vendre, où que la Côte d’Ivoire cesse de brader ses ressources minéralières, y compris son café et son cacao pour que la France devienne le Portugal…

C’est elle qui a besoin de l’Afrique pour garder son rang de puissance moyenne dans le monde et profiter de ce droit de véto qu’elle a généreusement obtenu grâce aux Etats-Unis pour lutter contre l’influence soviétique dans les ex-colonies. La France a besoin de l’Afrique pour équilibrer sa balance à l’exportation et rester compétitive.

Heureusement que cette crise, y compris les rodomontades et les postures de matamore de Sarkozy ne nous laissent guère le choix. La mise à la porte de son encombrant Ambassadeur devenu depuis peu l’intendant du Golf Hôtel, le garçon de service qui y emmène la nourriture quand le quarteron de séditieux, isolés par des millions d’Ivoiriens, crient famine, constitue à lui seul un acte fondateur fort. Il suffit maintenant de passer aux autres étapes, à commencer par ce que le Synares demande depuis 2002 aux autorités de notre pays, à savoir rompre nos relations diplomatiques avec la France. Il faut aussi quitter cette Bceao où la France dispose d’une minorité de blocage et règne sur notre argent.

Le grand empire. Il faut aller vers l’Asie, vers les Chinois pour profiter de leur savoir-faire, copier leur mentalité et leur ardeur au travail, afin de sortir notre pays de l’ornière. Il ne faut pas s’embarrasser de complexes; les Européens qui sont pourtant prompts à faire des leçons aux Chinois sont ceux qui leur sont les plus redevables. En effet, le plus grand bailleur de fonds des Occidentaux, Américains et Européens compris, n’est autre que la Chine devenue par son ardeur au travail la 2e puissance économique du monde, devant le Japon qui, jadis, le colonisa.

Allons aussi vers les Russes, les Brésiliens, les Indiens… Allons jusqu’aux confins du monde importer la valeur travail, loin des éternelles leçons d’un pays qui croit avoir inventé la démocratie, l’eau chaude, les Droits de l’Homme, Jupiter et tout ce qui respire dans le monde.
Allons, enfin, à la rencontre du développement et disons adieu à Paris !

Joseph Titi, journaliste

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Posté par rwandanews