Même si Nicolas Sarkozy paraît impopulaire sur le continent “noir”, certains Africains en auront la nostalgie. Texte et dessin de Damien Glez.

A une semaine du second tour de l’élection présidentielle, le site Mediapart a publié samedi un document attribué à un ex-dignitaire libyen affirmant que Tripoli avait accepté de financer pour «50 millions d’euros»la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

Nul doute que Nicolas Sarkozy se mit à dos le continent africain lorsqu’il déclama, le 26 juillet 2007, à Dakar, le laïus que lui avait concocté un Henri Guaino mal inspiré. En évoquant le «drame de l’Afrique», le frais émoulu président français s’y assurait lui-même une dramatique impopularité.

À l’heure où des politologues gavés de sondages prédisent la retraite de Sarko avant 60 ans, le président-candidat garde sans doute quelques amis dans la sphère françafricaine. Si Karim Wade reste fâché contre “tonton Sarko”, d’aucuns devraient regretter le sixième président de la Ve République. Liste non exhaustive:

1- Alassane Dramane Ouattara. Le président de la Côte d’Ivoire, ami commun de Nicolas Sarkozy et de Martin Bouygues, est présenté par les partisans de Laurent Gbagbo comme un «commis» de son «parrain» français. Reçu en grandes pompes à l’Elysée, en janvier dernier, le libéral que RFI présente comme «le meilleur ami de la France en Afrique» pourra-t-il espérer le même accueil sous le règne d’un président français membre de l’Internationale socialiste? Les gbagboïstes devenus ghanéens d’adoption parieraient sur la défaite annoncée de Nicolas Sarkozy. Elle pourrait sonner le glas du soutien international à ADO. Le ministère de l’Agriculture du premier producteur mondial de cacao pourra toujours embaucher comme VRP l’actuel président français. Ce dernier serait à ce point accroc au chocolat que cette addiction lui donnerait des migraines, même en dehors des campagnes électorales…

2- Ali Bongo Ondimba. Dès son arrivée à l’Elysée, l’homme de la prétendue «rupture» a pris l’habitude de rendre de petites visites à El Hadj Omar Bongo Ondimba, dans son hôtel particulier du XVIe arrondissement parisien ou à l’hôtel Meurice. Le président gabonais, décédé depuis, après quatre décennies de pouvoir, avait même officiellement formulé une proposition visant l’exemption de visas entre les deux États, idée sur laquelle il prétendait être tombé d’accord avec le président français. La prétendue communauté d’esprit de Bongo et de Sarko a-t-elle été une communauté des mallettes [http://www.slateafrique.com/21/lapres-bongo-les-messieurs-afrique-ont-la-vie-dure]? Toujours est-il que le président français s’est empressé de reconnaître l’élection, en août 2009, du rejeton Ali Bongo à la tête de l’Etat gabonais. Une affaire de famille: en janvier 2007, au Congrès UMP d’investiture du candidat Sarkozy, figurait, au premier rang, la sœur Pascaline. Le beau-père du père du nouvel “émir” gabonais –en quelque sorte son beau-grand-père–, Denis Sassou Nguesso, s’enorgueillit également de faire partie des amis africains de Sarkozy, “amitié” patiemment cultivée par le Français adepte de la pétrofinance et du lobbyisme UMP Jean-Yves Ollivier. Tiens! Côte d’Ivoire, Gabon et Congo-Brazzaville: c’est devant des représentants de ces trois pays que Nicolas Sarkozy remettait, le 27 septembre 2008, la légion d’honneur à Robert Bourgi

3- Edgar Alia. Le Franco-béninois, ancien militant de la fédération de Seine-Saint-Denis du RPR (ancêtre de l’UMP) et spécialiste des questions de Sécurité intérieure auprès du président Yayi Boni, n’hésita pas à jouer la carte de son lien avec Nicolas Sarkozy via le député Eric Raoult. Il aurait influencé le choix de Cotonou comme escale du président français lors de sa première tournée africaine. Si François Hollande entrait à l’Elysée, le carnet d’adresse d’Alia pourrait perdre de sa valeur sur le marché des missi dominici françafricains.

4- Jean-Marie Bockel. Le nomadisme politique n’autorise guère les allers-retours. Même rabroué sur suggestion d’Omar Bongo, l’ancien secrétaire d’Etat d’ouverture, chargé de la Coopération, avait conservé quelque temps un petit nid douillet dans le gouvernement français, au secrétariat d’État à la Défense et aux Anciens combattants, puis à la Justice. Difficile pour l’ancien socialiste d’aller maintenant frapper à la porte de François Hollande. Il ne lui reste plus qu’à prendre une bonne cuite avec Eric Besson et Bernard Kouchner…

5- Abdelaziz Bouteflika. Si le président algérien n’exprime pas d’affection particulière pour Nicolas Sarkozy, il regrettera de ne plus avoir d’homologue presque aussi petit que lui.

6- Koffi Olomide. Le leader du groupe Quartier latin international jouait, depuis 2007, sous le pseudonyme «Mopao Sarkozy». Il va devoir réimprimer ses cartes de visite avec «Koffi Mopao Hollande Olomide».

7- Zêdess. Le chanteur burkinabè ne pourra pas sortir la suite de la suite “pourquoi la leçon doit-elle toujours venir du Nord?” de son single target= »_blank » rel= »noopener »>“Un Hongrois chez les Gaulois” dans lequel il samplait, avec sarcasmes, des extraits d’anciennes déclarations du locataire de l’Elysée. Les samples d’un président «normal», ça ne risque pas de faire des tubes…

8- Les étudiants de l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Ils ont rarement l’occasion de voir des spectacles de clown dans leurs amphithéâtres. Et aucun événement n’avait fait autant de publicité à leur campus que le Discours de Sarko/Guaino.

9- Les banques du Liberia. Seul un Nicolas Sarkozy réélu aurait pu freiner la campagne de recouvrement de la dette fiscale de son ami Johnny Hallyday. Le chanteur français serait rattrapé par un redressement fiscal pour une somme de 9 millions d’euros au cœur d’un réseau de transferts d’actifs au Luxembourg vers une société dont les actionnaires comptent une autre entité domiciliée au… Liberia.

10- Les caricaturistes africains. Ils perdront avec Nicolas Sarkozy un sujet de choix. Déjà qu’ils sont inconsolables de ne plus avoir sous leurs crayons les frisettes de Mouammar Kadhafi et le crâne d’Abdoulaye Wade… Rendez-nous Amin Dada ou laissez-nous Sarko!

Damien Glez

Damien Glez est un dessinateur burkinabé. Il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d’Afrique de l’Ouest.

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Posté par rwandaises.com