Selon Jeune Afrique un interview d’un « journaliste » français a provoqué le licenciement d’un journaliste de la BBC. Je me permet de rappeler quelques éléments de contexte de ce qui est évoqué dans cet article. Selon Mehdi Ba






Selon un article de Mehdi Ba du 8 février 2020 dans Jeune Afrique, « le journaliste congolais Jacques Matand Diyambi a reçu de sa rédaction en chef [BBC Afrique] un courrier lui notifiant son « licenciement pour faute grave », avec effet immédiat. En cause : une interview qu’il avait réalisée en novembre avec l’écrivain Charles Onana, auteur du livre Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise : Quand les archives parlent (L’artilleur), publié un mois plus tôt. »; […] « Dans son courrier, que Jeune Afrique a pu consulter, Anne Look Thiam, la rédactrice en chef de BBC Afrique, à Dakar, reproche au journaliste d’avoir violé les règles internes de la chaîne en matière de traitement impartial de l’information, en s’abstenant de recueillir d’autres points de vue que celui de Charles Onana, notamment celui des autorités rwandaises. »

Ensuite sont évoquées deux polémiques BBC-Rwanda, l’une selon laquelle les autorités rwandaises n’auraient rien demandé à BBC Afrique concernant cet article, contrairement à ce qu’affirme la rédactrice en chef, et l’autre rappelle que la BBC en kinyarwanda est interdite au Rwanda suite à la diffusion d’un « documentaire » particulièrement négationniste « The untold story ». Enfin une polémique interne à BBC Afrique est évoquée car le licencié est aussi un secrétaire syndical.

Une interview controversée sur le Rwanda vaut un licenciement à un journaliste de BBC Afrique

Ma lecture de cet article soulève une autre question qui pourrait s’exprimer ainsi : Charles Onana et Pierre Péan seraient-ils à l’origine des dérapages de la BBC dans la publication du film « Rwanda, the untold story » ? Ce film essayait de démontrer les thèses révisionnistes françaises, comme on pourrait le dire élégamment. Mais soyons clair, ce film colportait ce qu’il faut bien appeler la propagande des autorités civiles et militaires françaises de l’époque. On parle de ce « documentaire » dans Wikipédia dans sa version anglaise dans l’article Rwandan genocide denial. Ce film sert surtout le négationnisme français dans la polémique franco française à propos du génocide des Tutsi, sur l’air de « même la BBC le dit ».

En tous cas on voit dans cet article que les relations ambiguës entre ces deux sphères françaises et britanniques apparaissent au grand jour. La BBC, trop grosse organisation sans doute pour contrôler tous les « détails » de sa programmation, est peut-être, un peu tard, sur la piste des raisons de son bourbier rwandais.

Ce documentaire, Rwanda, the untold story, traitait essentiellement de l’attentat du 6 avril 1994 et du soi-disant « double génocide » si ma mémoire est bonne. Ce sont précisément les thèmes principaux des interventions systématiques de Charles Onana et de Pierre Péan (décédé l’été dernier). Cet attentat provoque en France une forte mobilisation polémique de militaires et de proches de l’Elysée de l’époque. Pour ma part j’observe que l’épicentre de la désinformation française s’y trouve. Il n’y a pas de fumée sans feu. Le lendemain de ce jour là, il y eut aussi à l’Élysée un acte aussi gravissime que rare : le « suicide » de François de Grossouvre, homme de l’ombre de François Mitterrand qui parait-il suivait de près les questions du Rwanda. Paul Barril affirme dans un livre qu’il fut assassiné. Barril sait probablement que si Barril le dit, personne n’y croira plus. Aucune enquête sur ce suicide. Coïncidence ?

La question de la participation de Français à cet attentat n’a jamais été explorée, malgré des indices. Il a été établi par les députés français que des militaires français étaient sur place. L’un des officiers français affirme même qu’il a entendu le souffle de départ des missiles. Il habitait le camp militaire des génocidaires, comme d’autres témoins, belges, qui ont entendu la même chose. En tous cas ils n’étaient donc pas loin des tireurs. Sur son site internet quand il était encore en activité, le mercenaire Paul Barril, très lié à l’armée française, écrivait, sans doute goguenard comme quand il affirmait sur Antenne 2 avoir récupéré la « boite noire » de l’avion, que ce jour là il était quelque part sur une colline au centre de l’Afrique. L’utilisation du mot « colline » renvoie au pays des mille collines; pour sa part Hubert Védrine écrivit en juillet 2009 dans Politis : « Il est possible que des mercenaires français, ou autres, aient été mêlés à cet attentat ». Comme toujours quand il évoque un indice contre la France il dit qu’il ne faut « pas ­sur­interpréter cela ». D’ailleurs Hubert Védrine a dit tout et son contraire sur les auteurs de l’attentat depuis 25 ans. Cela s’appelle du brouillage ou de l’incompétence.

Dans le procès contre des responsables rwandais du FPR, en attente de délibéré (3 juillet 2020), la justice française semble se réfugier dans la perspective d’un non-lieu. Qu’aurait-elle à craindre de mettre en examen les auteurs du génocide des Tutsi, puisque les missiles auraient été tirés de leur principal camp militaire selon l’enquête balistique diligentée par les juges antiterroristes français qui succédèrent à Bruguière et qui contredit son ordonnance fumeuse ? La chape de plomb est particulièrement lourde … Est-ce qu’aujourd’hui encore Emmanuel Macron protégerait la réputation de l’armée française contre la recherche de la vérité sur l’attentat du 6 avril 1994 ? Dans ce cas pourquoi ?

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