By Dr Bizimana Jean Damascène;

Après avoir libéré le camp de réfugiés de Kabgayi le 2 juin 1994, les troupes du FPR Inkotanyi ont continué à mettre la pression sur les troupes gouvernementales dans des régions différentes du pays, et notamment dans les villes de Kigali et Gitarama. Dans la ville de Kigali les troupes du FPR Inkotanyi ont continué à sauver des personnes dans la localité de Nyamirambo et ailleurs. La date du 14 juin 1994 a été marquée par l’importante victoire qu’a été la libération de la ville de Gitarama après deux semaines d’âpres combats.

1) GITARAMA EST LE FOYER DE LA PERSÉCUTION DES [BA]TUTSI AU RWANDA

La Préfecture de Gitarama est la région d’origine de plusieurs autorités politiques qui ont porté une lourde responsabilité dans la propagation de divisions et de la haine parmi les Rwandais, ce qui a mené au Génocide perpétré contre les [Ba]Tutsi. Le parti PARMEHUTU y est né, lequel avait une ligne politique basée sur les divisions et la discrimination. La Préfecture de Gitarama a également été celle dans laquelle ont commencé les massacres et autres actes de violence commis contre les Tutsi en 1959 avant de toucher toutes les régions du pays.

C’est en effet dans l’ancienne Préfecture de Gitarama que les massacres et les autres actes de violence commis contre les [Ba]Tutsi ont commencé le 3 novembre 1959 dans l’ancienne Chefferie de Ndiza, avant de toucher les autres Chefferies. Les [Ba]Hutu et les Tutsi de la Chefferie de Rukoma et de la région du Mayaga soutenaient la monarchie et ont résisté aux membres du PARMEHUTU et de l’APROSOMA, raison pour laquelle il a été nécessaire pour le Colonel Guy Logiest d’appeler en renfort les forces armées du Congo (appelées les Kamina) pour briser cette résistance et diviser les résistants. Les [Ba]Tutsi ont été massacrés, chassés de leurs biens et leurs maisons ont été incendiées surtout lors de la période du Referendum en septembre 1961 et pendant les périodes après.

Tuer les [Ba]Tutsi, les persécuter et les discriminer, voilà ce qui a caractérisé le régime du Président Kayibanda Grégoire. Tout au long de ce régime, les [Ba]Tutsi ont été régulièrement massacrés, notamment en décembre 1963 et en Février-mars 1973.

Après que le Général Major Habyarimana Juvénal a renversé le Président Kayibanda Grégoire et pris le pouvoir le 5 juillet 1973, les [Ba]Tutsi de la Préfecture de Gitarama ont eu une courte période d’accalmie, et ceux qui avaient fui leurs domiciles ont commencé à revenir dans leurs propriétés, mais cette tranquillité a été de courte durée car le Président Habyarimana a posé des obstacles aux [Ba]Tutsi qui souhaitaient revenir dans leur pays. Le Président Habyarimana a privé les [Ba]Tutsi de l’intérieur du droit de recevoir la visite de leurs membres de famille qui avaient fui le pays, tout comme ils n’avaient pas le droit de les visiter. Habyarimana a continué dans la ligne  politique de la discrimination et des divisions, les Tutsi ont continué à être exclus dans tous les domaines.

2) LA GUERRE DE LIBÉRATION A ÉTÉ LE PRÉTEXTE POURRECOMMENCER À PERSÉCUTER ET TUER LES BATUTSI DE GITARAMA

Alors que le FPR Inkotanyi avait commencé la guerre de libération en octobre 1990, comme partout dans le pays les [Ba] Tutsi de Gitarama ont été emprisonnés et persécutés sous le fallacieux prétexte qu’ils seraient des complices des Inkotanyi. Peu après, le Gouvernement Habyarimana a accepté le multipartisme en juin 1991. Beaucoup de personnes dans la population de Gitarama se sont affiliées au parti MDR car elles avaient le sentiment que c’était leur ancien parti qui était de retour et se réjouissaient d’avoir l’occasion d’affronter le régime Habyarimana qui avait été responsable de l’emprisonnement et de l’assassinat de politiciens de Gitarama qui avaient travaillé avec le Président Kayibanda Grégoire.

C’est dans ce cadre que les membres du MDR s’en sont pris aux membres du MRND et leur ont ordonné de devenir des membres du MDR. Des autorités locales membres du MRND ont été forcées de s’affilier au MDR, ce qui a été appelé “Kubohoza” (littéralement “Libérer”). Après avoir constaté que la population de Gitarama s’opposait vigoureusement au MRND, le Président Habyarimana s’est fait aider de certains politiciens influents originaires de Gitarama pour diviser et affaiblir le parti MDR qui lui était hostile.

C’est dans ce cadre que le parti MDR a éclaté en différentes factions fin octobre 1993 et qu’est né ce qui a été appelé “MDR-PAWA”. Parmi ceux qui ont aidé le Président Habyarimana pour diviser le parti MDR il y a eu: Karamira Frodouald qui était vice-président du MDR, Mpamo Esdras qui avait été Bourgmestre de la Commune Masango depuis le régime du Président Kayibanda jusqu’en 1992, et était aussi membre du Comité National du  MRND.Il s’est également fait aider par d’autres personnes, notamment Nzabonimana Callixte, un ancien Ministre du Plan et qui par après a également été Ministre de la Jeunesse et du Mouvement Coopératif dans le Gouvernement de Kambanda; Georges Rutaganda, fils de Mpamo Esdras et vice-président au niveau national du Comité des Interahamwe;  RuhumurizaPhénias qui était membre du Comité des Interahamwe au niveau national, et d’autres.

Depuis que les partis politiques se sont divisés en factions rivales et la naissance de ce que l’on a appelé “Hutu-PAWA” en octobre 1993, les membres du MDR et du MRND ne se sont plus affrontés, les autorités ont commencé à faire comprendre à la population que son seul ennemi est le [Mu]Tutsi qu’elle doit par conséquent combattre et tuer. De nombreuses  réunions se sont tenues dans toutes les Communes de la Préfecture Gitarama pour inciter la population à haïr et tuer les [Ba]Tutsi.

Des milices paramilitaires ont été créées et des armes distribuées à la population depuis fin 1993, malgré que des civils de certaines communes avaient déjà été envoyés s’entrainer militairement à Gako dans le Bugesera depuis 1992.Parmi les milices, certaines se sont rendues tristement célèbres, comme le “Bataillon Ndiza” qui s’entrainait au sommet de la colline Ndiza dans la Commune Nyakabanda,  la milice appelée JEPE qui s’entrainait à Runda chez Kamana Claver, et la milice Interahamwe.

Le Génocide perpétré contre les [Ba]Tutsi a commencé à être mis en œuvre dans les communes de Gitarama après la réunion du 18 avril 1994 à laquelle ont participé les membres du Gouvernement Kambanda et les différentes autorités dont les Bourgmestres des communes de Gitarama.  Cette réunion s’est tenue à Murambi, en Commune Nyamabuye. Cependant, dans certaines communes les massacres des [Ba]Tutsi avaient commencé dès le 9 avril 1994, comme dans la Commune Nyabikenke d’où était originaire Nzabonimana Callixte qui était Ministre de la Jeunesse et du Mouvement Coopératif, dans la Commune Kigoma qui était dirigée par le Bourgmestre Ugirashebuja Célestin, dans la Commune Ntongwe qui était dirigée par le Bourgmestre Kagabo Charles, et dans d’autres.

De nombreux [Ba]Tutsi de l’ancienne Préfecture Gitarama se sont réfugiés à Kabgayi en croyant y trouver leur sécurité. Il s’est avéré qu’ils s’étaient trompés parce que les membres des comités de sécurité dans la Préfecture Gitarama et les Bourgmestres, se rendaient à Kabgayi munis de listes de [Ba]Tutsi qui devaient être tués, lesquels étaient embarqués dans des bus pour aller être massacrés à Ngororero.

Aux environs du 20 avril 1994, des bus venaient chaque jour embarquer les Tutsi qui allaient être tués à Cyome sur les rives de la Nyabarongo, dans les anciennes Communes  Kibilira et Satinskyi. D’autres [Ba]Tutsi ont été massacrés dans des bois aux alentours de Kabgayi.

Dans les Communes de Ntongwe et Mugina, les [Ba]Tutsi de la région ont été massacrés par les Interahamwe et les militaires venus du camp militaire de Gako, ainsi que par les réfugiés burundais. Ils ont été tués dans les pires souffrances car les réfugiés burundais enlevaient les cœurs du corps des [Ba]Tutsi qu’ils venaient de massacrer pour les griller et les manger. Ces affreux massacres ont été commis dans plusieurs localités, comme dans la Commune Musambira, Secteur Nyarubaka où des parents ont été demandés d’ensevelir vivants leurs enfants de sexe masculin, sur instigation d’une dame du nom de Mukangango qui était le chef des Interahamwe.

3) LES BATUTSI DE GITARAMA ONT RÉSISTÉ AUX TUEURS

Dans certains endroits, les [Ba]Tutsi ont résisté aux groupes de tueurs qui les attaquaient. Sur la colline de Bibare en Commune Kayenzi, les Tutsi se sont réfugiés sur cette colline et ont résisté aux attaques pendant deux jours, mais après des militaires venus de Gitarama, des policiers de la Commune Kayenzi et des Interahamwe les ont attaqués et massacrés.

Dans la Commune Ntongwe, les [Ba]Tutsi du Secteur Gisari et de Kibanda, se sont réfugiés sur la colline Nyiranduga pour pouvoir résister aux attaques des tueurs. Ils ont résisté et repoussé les attaques pendant deux jours. Le Bourgmestre  Kagabo est venu demander à ces [Ba]Tutsi d’arrêter de se battre et de parlementer avec leurs assaillants, il leur a également demandé de quitter cette colline et de rejoindre d’autres [ Ba]Tutsi qui s’étaient réfugiés à la Commune Ntongwe, afin d’y être protégés. Les [Ba]Tutsi ont en effet rejoint la Commune mais furent peu après attaqués par des Interahamwe, des militaires et des policiers de la Commune qui ont tiré et lancé des grenades sur eux. Les survivants ont quitté la Commune et ont été tués dans la plaine de Nyamukumba alors qu’ils tentaient d’aller se réfugier à la Sous-préfecture de Ruhango.

Après le Génocide perpétré contre les [Ba] Tutsi, dans certaines Communes de l’ancienne Préfecture de Gitarama, comme Buringa, Nyakabanda et Nyabikenke, des infiltrés- dits abacengezi – ont continué à y semer l’insécurité, et des bâtiments communaux ont même été incendiés, notamment la Commune Buringa qui a été incendiée par les mêmes infiltrés en 1997.

Les troupes du FPR qui avaient arrêté le Génocide perpétré contre les [Ba]Tutsi, ont également ramené la sécurité dans ces communes, en collaboration avec la population.

CONCLUSION

En 2019, la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide a publié un travail de recherche qui pour la première fois décrit l’histoire du Génocide perpétré contre les [Ba]Tutsi dans la Préfecture de Gitarama, et qui peut être consulté sur son site web www.cnlg.gov.rw.

Il est important de lire ce travail pour que l’histoire du Génocide perpétré contre les {Ba] Tutsi dans Gitarama soit portée à la connaissance de tous et conservée. Que soient remerciées les troupes du FPR qui ont arrêté le Génocideperpétré contre les Tutsi et ont rendu vie au Rwanda. (Fin)

Fait à Kigali, le 14/06/2020

*Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif/Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)

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NB kinyarwanda est une langue bantou, langue à classes, le passage du singulier au pluriel correspond à un changement de ‘classe’ et donc de ‘préfixe nominal’ et de la voyelle initial le mot « umutusi » donne abatutsi, au pluriel. Les Batusi,  Bahutu, Banyamurenge, Bacongo, Bashi,  Barundi……en francais.

Bien nommer, c’est reconnaitre pleinement. L’exactitude et l’uniformisation terminologiques s’inscrivent dans le combat contre le négationnisme, notamment contre le négationnisme « ordinaire » rampant,que véhicule des terminologies comme « génocide rwandais »

En effet,elle laisse penser que toutes les composantes de la société rwandaise auraient été victimes d,un génocide, qu’au Rwanda « les Bahutu ont tué les Batutsi et les Batutsi ont tué les Bahutu », en versant ainsi dans la théorie du « double génocide » des négationnistes et autres révisionniste du génocide contre les Batutsi.

De l’ambiguité de la terminologie de « Génocide des Tutsi »

La terminologie de « génocide contre les batutsi » est, donc, la seule à être exacte. C’est la même que celle de « génocide perpétré contre les Batutsi.

Extrait : Docteur Alex Kagame, Servilien Sebasoni, ……..

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