(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Souvent accusés de corruption ou de détournement de fonds publics, près des deux tiers des élus rwandais de 2006, au niveau des districts, ont du démissionner. Un turn over qui perturbe la mise en œuvre de projets de développement.

Au moins deux tiers des élus rwandais au niveau des districts ont rendu leur tablier deux ans avant l’expiration de leurs mandats. Sur 556 dirigeants des districts (les maires et leurs adjoints), mis en place en 2006, près de 300 ont démissionné spontanément ou ont été contraints de le faire. Ainsi, à l’heure actuelle, seuls huit des 30 maires élus directement sont encore en exercice. Nombre de ces élus, qui ont été obligés de remettre les clés de leurs bureaux, sont poursuivis pour détournement de fonds publics, mauvaise gestion ou corruption.
« Le problème se pose au départ dans le choix des candidats. Pour ces postes qui rémunèrent bien, le pouvoir impose ses fidèles qui, une fois en place, s’attèlent à s’enrichir aux dépens des populations », constate un habitant de Nyarugenge, ville de Kigali. Les tentations sont fortes : un maire de district décide de toutes les entrées et sorties de caisse. Il a un droit de regard sur tous les projets opérant dans son entité, l’attribution des marchés publics et autres domaines juteux.

Bonne et mauvaise excuse
« Comme la lutte contre la corruption est en vogue, on accuse chacun à tort ou à raison d’être corrompu, car souvent ces postes politiques sont pris pour des portes ouvertes aux pots de vin », remarque-t-il. « Même si le gouvernement déploie beaucoup d’efforts à lutter contre toutes sortes de corruptions à travers ses différents organes, les germes de ce fléau se développent au niveau des instances de base », estime un activiste des droits de l’homme de Kigali. Pour Protais Musoni, ancien ministre de l’Administration locale, nombre de ces élus qui ont quitté leur poste se sont aussi révélés incompétents dans l’exercice de leurs fonctions. « Ces élus sont dépassés, car ils doivent coordonner différentes tâches », estime-t-il.
Cependant, cet ancien maire de l’un des districts du Sud, qui est parti à contre cœur, regrette qu’un petit groupe décide d’exercer une pression sur un élu et finisse par le mettre dehors, même quand il a la confiance de ses administrés. « Un dignitaire du parti au pouvoir ou le conseil consultatif du district exigent souvent des élus de démissionner sans souci de leurs réalisations en faveur de sa population », estime ce maire démissionnaire de la province du Sud. Quand il s’agit de pousser dehors un élu, les électeurs ne sont pas consultés. Certains districts comme Muhanga, Sud, ou Nyarugenge, ville de Kigali, ont des élections chaque année. En trois ans de mandat, trois maires se sont succédés dans chacun de ces districts. « Nous sommes fatigués de voter pour les dirigeants qui ne restent pas assez longtemps en place pour exécuter les projets de développement prévus au cours d’un mandat », se plaint un habitant de Nyarugenge, Kigali, au lendemain de la démission de son maire, Origène Rutayisire, début novembre dernier.

« Postes avant prison »
« Auparavant, des postes politiques étaient qualifiés d »alimentaires’, aujourd’hui ils sont dits ‘postes avant prison' », affirme un secrétaire exécutif d’un secteur de Gasabo, Kigali. Actuellement, quiconque est suspecté de mauvaise gestion est envoyé en prison avant même son jugement. « Depuis que le gouvernement a adopté la « tolérance zéro » contre toutes sortes de corruptions et de mauvaise gestion des deniers publics, les hauts placés sont les premiers à être poursuivis en justice pour des abus financiers », remarque un agent de Transparency Rwanda, qui estime que « la bonne manière de lutter contre la corruption, ce n’est pas d’envoyer en prison les coupables mais de mettre en place un bon mécanisme de contrôle et de transparence ». Les tribunaux doivent à présent contraindre les coupables de détournement de fonds publics à restituer tout ce qu’ils ont pris en plus du paiement des amendes.
Pourtant, les candidats à ces postes continuent à se bousculer. Certains disent qu’ils sont prêts à faire de la prison après avoir gonflé leurs caisses. D’autres s’y engagent pour améliorer la gestion des fonds publics.

 
 
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Posté par rwandanews.fr