Alors que les regards de la communauté internationale sont toujours tournés vers l’Est du Congo et que le ministre belge des Affaires étrangères passera deux nuits à Goma avant de se rendre à Kigali, c’est dans le Bas Congo, et plus particulièrement sur la frontière avec l’Angola, que la situation s’est brusquement tendue.
En effet, après que l’équipe de joueurs togolais participant à la Coupe d’Afrique des nations ait été mitraillée en traversant le territoire du Cabinda, attentat qui a fait deux morts, les autorités angolaises ne cachent pas leur colère, tant à l’égard des deux Congo voisins que de la France. Cette attaque en effet a été revendiquée par le FLEC (Front pour la libération de l’enclave de Cabinda), un mouvement qui se bat pour l’indépendance de ce territoire de 7200 Km2 qui n’a aucun lien géographique avec l’espace angolais mais qui est devenu le fief des principales sociétés pétrolières américaines.
Profitant de la CAN pour attirer l’attention, les porte parole du FLEC ont revendiqué leur action militaire depuis la France, ce qui a mené Luanda à s’étonner du fait qu’un pays soi disant ami puisse laisser agir et s’exprimer des responsables d’un mouvement qualifié de « terroriste ». En réalité, il y a longtemps que les relations entre Paris et Luanda ne sont plus au beau fixe, les Angolais n’ayant jamais accepté que la justice française puisse mener le procès de l’Angolagate et étaler sur la place publique les pots de vin et autres compromissions des divers protagonistes, dont Charles Pasqua et Jean Christophe Mitterrand.
Par ailleurs les Angolais estiment qu’au vu de sa puissance économique et militaire, leur pays, qui produit déjà plus de pétrole que le Nigeria, a pour vocation à devenir une puissance régionale. Si à Brazzaville le président Sassou Nguesso est considéré comme sous contrôle, c’est avec Kinshasa que désormais les tensions se multiplient.
Par deux fois, à l’occasion de la réunion des chefs d’Etats membres de la SADCC (Conférence des Etats d’Afrique australe) comme lors de la réunion des présidents d’Afrique centrale, le président angolais dos Santos a brillé par son absence. L’attaque menée par le FLEC a détérioré davantage encore les relations entre les deux pays. Luanda en effet considère que les combattants indépendantistes de Cabinda ont profité du « désordre » congolais pour établir des bases en RDC et des troupes angolaises ont été renvoyées en renfort du côté de Moanda, du côté angolais de la frontière entre les deux pays, où la situation est très tendue.
Aux yeux des responsables de la sécurité au Congo, alors que la situation à l’Est est en bonne voie de règlement et que le rétablissement des relations diplomatiques a vec le Rwanda est un gage de stabilité, la détérioration des relations avec l’Angola représente désormais un danger majeur, y compris pour le président Kabila lui-même. Le chef de l’Etat a cependant assisté au match d’ouverture de la CAN, où, rencontrant dos Santos il a prôné l’accalmie et demandé le maintien du bataillon angolais qui, à Kitona dans le Bas Congo, s’emploie à former des militaires congolais.
A Kinshasa, chacun sait cependant que le différend avec l’Angola dépasse de loin l’enjeu du Cabinda, même si les populations de cette véritable « éponge de pétrole » estiment que la frontière qui les sépare de leurs frères du Bas Congo est une anomalie héritée du partage colonial. (Lors du tracé des frontières en effet, Léopold II avait concédé le Cabinda aux Portugais en échange, pour le Congo, d’une bande côtière de 42km sur l’Océan Atlantique).
Cette modeste ligne océane se révèle aujourd’hui un enjeu de taille, car elle est gorgée de pétrole, au même titre que le Cabinda. L’exploitation au sol a déjà commencé du côté de Moanda et de Tshela dans le Bas Congo, dans des conditions assez opaques mais ce sont surtout les réserves off shore qui font l’objet d’un litige. En effet, jusqu’à l’an dernier, la RDC avait négligé de revendiquer l’application de la convention dite de Monte Gordo, qui étend les eaux territoriales jusqu’à 200 miles en haute mer. Le 13 mai 2009, le Parlement congolais a exigé que Kinshasa défende ses droits sur ce long couloir océan.
Le problème, c’est que les principales compagnies pétrolières américaines (Chevron, Gulf) opèrent sur des plateformes installées en haute mer, dans des eaux qui sont désormais revendiquées par Kinshasa. Ces gisements, souvent comparés à ceux de l’Arabie saoudite, représentent 10% des importations américaines de pétrole africain et la moitié des ressources de l’Etat angolais.
Les prétentions congolaises au partage de ces ressources pétrolières sont d’autant plus mal vécues à Luanda que les Angolais considèrent que, par deux fois, c’est l’intervention de leur armée qui a sauvé la mise du régime Kabila père puis fils. En 1998 en effet, alors que les Rwandais s’infiltraient déjà dans Kinshasa, ce sont des Angolais qui les repoussèrent et, en 2001, au lendemain de l’assassinat de Laurent Désiré Kabila l’armée angolaise, elle encore, prit le contrôle de Kinshasa et permit que Joseph Kabila succède à son père.
« Ils nous ont sauvés, mais est ce pour cela que nous devons accepter que l’armée angolaise patrouille à Kahemba (une zone frontalière riche en diamants), que nos ressortissants soient renvoyés au pays avec brutalité et que nos eaux territoriales soient cédées sans concession ? » Ces questions sont régulièrement relayées dans la presse alors que les autorités temporisent et tentent de calmer le jeu, sachant parfaitement que, pour le moment encore, les Angolais, ces alliés historiques, sont aussi des adversaires potentiels…

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/01/20/les-relations-se-tendent-avec-le-voisin-angolais/

Posté par rwandaises.com